[Sohn, Won-Pyung] Amande
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[Sohn, Won-Pyung] Amande
Amande
Sohn Won-Pyung
Traductrice Juliette Lê
Pocket Jeunesse
05/05/2022
336 pages
EAN : 9782266307734
Sohn Won-Pyung
Traductrice Juliette Lê
Pocket Jeunesse
05/05/2022
336 pages
EAN : 9782266307734
Résumé de couverture :
Comment vivre quand on ne ressent rien ?
C'est toute l'histoire de Yunjae, 16 ans. A cause d'une malformation de son amygdale cérébrale, son "amande", Yunjae ne comprend pas les émotions. Mais quand il rencontre Gon, un garçon rebelle, colérique et violent, commence une histoire d'amitié improbable. Une histoire qui les initiera à une autre façon de voir le monde...
Best-seller en Corée, plus de 600 000 exemplaires vendus (primé par le Changbi Prize) Recommandé par Namjoon, un des membres du groupe coréen BTS
Vainqueur du Jeju Peace Literary Prize et du Mon'ya Taisho, le grand prix des libraires du Japon.
Mon avis :
On se prend à rêver quand on voit que des stars d'envergure mondiale comme BTS recommandent un LIVRE à leurs fans... Sans être une Army (fan de BTS, donc), l'envie de lire ce roman me trottait dans la tête après l'avoir "rencontré" plusieurs fois sur les étalages. C'est donc chose faite, et conformément à mes attentes, je ne suis pas déçue.
Il s'agit clairement, sinon d'un roman jeunesse, du moins d'un roman young adult : l'argument est tout de même assez sombre, et certaines scènes évoquent une violence qui pourrait être insoutenable, mais à travers le prisme du regard de Yunjae, l'épure devient recevable. Le résumé évoque clairement la situation : l'amitié qui naît au milieu des ruines de la vie de deux êtres que tout devrait séparer, Yunjae et "Gon". En raison de ses difficultés à connaître, identifier les émotions (davantage qu'à les ressentir, même si l'auteure le fait aller jusque-là), Yunjae est depuis son enfance mis sur la touche, voire réellement harcelé. Cependant, sa mère n'a jamais abandonné, elle a tenté de lui apprendre comment réagir, comment montrer des émotions socialement attendues, et passer le plus possible inaperçu. Jusqu'à maintenant, la vie du jeune garçon, lycéen au moment de l'histoire, a consisté en une parade, une réaction de survie à la vie en société. Faire semblant. Se faire oublier. Le discours intérieur à la première personne du garçon nous ouvre une fenêtre sur sa façon particulière de percevoir le monde, d'observer pour essayer de comprendre, en alternant avec des retours en arrière sur son enfance, et les deux figures bienveillantes de sa mère et de sa grand-mère, la librairie où il fait bon apprendre entre les pages de livres qui ne lui feront jamais de mal. On comprendra assez vite pourquoi ces souvenirs lui sont chers à double titre, en assistant à l'horrible scène qui le laisse seul, livré à lui-même.
Tant bien que mal, Yunjae parvient à reconstruire un certain équilibre, grâce à des figures d'adultes qui l'écoutent et le guident comme son voisin, grand chirurgien du cœur devenu boulanger, un beau personnage. Seulement, l'adolescence arrive dans sa direction au pas de course, et la rencontre avec Gon précipite tout. Fils unique d'un couple aisé, Yun Leesu a été enlevé à ses parents dans l'âge tendre, et a grandi seul dans la souffrance et l'abandon, de foyer en centre de détention pour mineurs. Il s'est abîmé moralement, boule de révolte brute, et il faut de l'imagination pour percevoir un bon garçon en-dessous de cette enveloppe. En tout cas, son père n'y parvient pas lorsqu'il retrouve son fils des années plus tard, et la colère de "Gon", surnom que le garçon s'est lui-même choisi, enfle comme une tempête, jusqu'à provoquer une cascade de désastres, mais aussi à faire enfin comprendre à Yunjae qu'il est son ami, et qu'il doit mouiller sa chemise pour le sauver de lui-même.
Le parcours de Yunjae est original et intéressant, et même si l'écriture est simple, le travail sur la langue permet d'atteindre une certaine profondeur, au-delà du public visé. L'atmosphère du roman m'a rappelé plusieurs scènes de dramas (séries coréennes) : pas de doute, nous sommes bien dans cette nouvelle culture partagée appelée la "hallyu", vague coréenne, qui permet à présent à des lecteurs occidentaux de s'immerger facilement dans un univers asiatique somme toute éloigné culturellement du nôtre. L'approche psychologique m'a laissée un peu sur ma faim - j'ai l'impression que l'auteure est un peu floue sur l'alexithymie, mélange un peu le fait de ne pas identifier les émotions et les exprimer de manière acceptable, et celui de ne pas les ressentir, ce qui évoquerait un trouble différent. Le roman a tout de même le mérite de présenter la spécificité de Yunjae comme une singularité irréductible, et de montrer l'attitude juste d'écoute et de tolérance.
Un dernier mot sur la présentation du livre à la limite du genre "bromance" (contraction de "brother romance", soit relation amicale teintée d'amour entre deux garçons) et "boy love" (relation amoureuse entre deux garçons) - était-ce pour surfer sur un certain courant qui intéresse à juste titre la jeunesse ? Ce caractère est toutefois léger dans le roman, car bien que l'amitié intense entre Yunjae et Gon tienne une place importante, on ne sent pas une réelle ambiguïté entre eux. Seule la traductrice (du coréen en anglais) l'évoque dans sa note à la fin du livre : "(...) en tant que lectrice attentive, ce que j'avais compris de la relation entre Yunjae et Gon était plus qu'une simple amitié. La démarcation était floue entre leur amour amical et quelque chose qui transcende les conventions d'une amitié." Je n'ai rien à dire sur le choix, si choix il y a, de l'auteure en ce sens, sinon qu'il ne s'agit pas ici d'une relation qui briserait les tabous hétérosexuels. Le lecteur et la lectrice resteront dans la délicatesse d'un rapprochement amical et l'évocation sans pathos d'une affection capable de confiner au sacrifice. À l'instar de Yunjae, il est sans doute plus intéressant de se pencher sur l'essence de l'amour, qui transcende les catégories et représentations, mais exige une totale implication de l'être, et un passage à l'action. C'est en tout cas une belle histoire, bouleversante par endroits, qui se dévore sans regret, et mérite la recommandation de Namjoon à ses fans. (4,5/5)
Citations :
Comme la princesse de conte de fées à qui on a jeté un sort pour l'empêcher de sourire, mon visage restait impassible. Et comme le prince d'une contrée éloignée qui essaie de gagner son cœur, Maman a tout tenté : elle a applaudi, m'a apporté des hochets de différentes couleurs et elle a même fait le clown sur des comptines. Page 26.
- Les parents ont toujours de grandes espérances pour leurs enfants. Mais quand les choses ne se passent pas comme prévu, ils veulent juste que leurs enfants soient comme les autres, en pensant que c'est simple. Mais mon petit, être comme les autres, c'est très difficile à accomplir, a dit le docteur Shim. Page 111.
Sous ses sourcils, sombres comme des ombres, ses yeux brillaient tels des galets de ténèbres, et il jetait des regards noirs à tout le monde. C'étaient ses yeux qui avaient fait tomber le silence dans la salle. Page 131.
Gon se disait que la vie, c'était ça, finalement : avoir la main dans celle de sa mère un instant, bien chaude et rassurante, pour se voir lâché complètement l'instant d'après, sans explication. Il avait beau essayer de toutes ses forces de lui reprendre la main, au final, il se retrouvait toujours abandonné. Page 206.
De ce que j'en avais compris, l'amour était une idée assez extrême, qui semblait enfermer l'indéfinissable dans la prison d'un terme unique. Et tout le monde abusait du verbe. Les gens employaient le mot "aimer" pour un oui ou pour un non, dès qu'ils ne se sentaient pas trop mal ou quand ils ressentaient de la gratitude. Page 218.
Les gens ferment les yeux devant une tragédie qu'ils jugent lointaine, au prétexte qu'il n'y a rien qu'ils puissent faire. Et pourtant, ils ne font rien non plus lorsqu'un événement se déroule sous leurs yeux, car ils ont trop peur. La plupart des gens sont capables de ressentir, mais ils ne font rien. Ils disent compatir, mais ils oublient très rapidement. De mon point de vue, je ne trouve pas que cela relève de la "compassion".
Je n'avais pas envie de vivre comme ça. Page 309.
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