[Machado, Pauline] Foules sentimentales : Comment la ville impacte l’amour

Titre : Foules sentimentales : Comment la ville impacte l’amour
Auteur : Pauline Machado
éditeur : Les Pérégrines
Nombre de pages : 284 pages

Présentation de l’éditeur :

Comment s’aime-t-on dans les grandes villes ?
Les métropoles abritent la plus grande proportion de célibataires, d’utilisateurs et utilisatrices d’applis de rencontre, de coups d’un soir et de divorces. Preuve qu’y trouver l’amour qui dure y est plus complexe qu’ailleurs ? En tout cas, littérature, films et séries se nourrissent abondamment de cette idée. L’anonymat, le caractère infini des possibilités, les modes de vie ultra-productifs et hyper-consuméristes jouent sur nos rencontres et nos relations. Si certain·es vivent de belles histoires éphémères, la grande ville déçoit beaucoup de romantiques. On a tendance à penser qu’elle est un refuge pour celles et ceux qui souhaitent s’émanciper des normes – au point d’y développer de nouvelles façons d’aimer ?
Une chose est sûre, que l’on se sente à l’abri ou déboussolé·e au milieu de la foule, la ville a une façon bien à elle d’accueillir nos amours.

Mon avis :

Depuis quelques temps, je lis davantage d’œuvre de non-fiction, peut-être tout simplement parce que la lecture de fiction décevante n’est pas satisfaisante.

Je note tout d’abord que je ne m’étais jamais questionnée sur le lien entre histoire d’amour et le fait de vivre en ville. Pour moi, vivre en ville, c’était surtout la possibilité d’y être anonyme, de ne pas subir le regard des autres – constat valable dans les métropoles, bien sûr, pas dans les petites villes. Le chapitre 5 de cet ouvrage est d’ailleurs consacré à cette notion d’anonymat, ses avantages et ses inconvénients. Justement : s’il fallait vraiment parler d’amour, c’était surtout pour vivre des histoires d’amour dont on n’aurait pas à rendre compte, même si elles étaient différentes – la notion d’histoire d’amour différente évoluant avec le temps, bien entendu.

L’autrice ne nous cache pas que l’idée de cet essai vient avant tout de son expérience personnelle et de constats : la facilité à nouer des relations amoureuses dans une grande ville, la difficulté à construire une relation dans une grande ville. Elle construit son essai d’un point de vue féminin, et nous rappelle à quel point les contes de fées, et leurs descendants, les comédies romantiques, ont fait du mal à la gente féminine. Après tout, tous ou presque sont écrits par des hommes, pour le bien des hommes – et j’ajoute qu’il est encore aujourd’hui des psys, dans des émissions de télévision, pour rappeler que ce n’est pas à la femme de proposer quoi que ce soit, c’est à l’homme. En 2024, on n’est pas rendu. Oui, la femme se doit d’attendre, si possible en restant le plus possible chez elle. La réussite professionnelle (de nos jours) ? Elle n’est pas, dans ses oeuvres cinématographique, valorisée, une femme ne peut être heureuse qu’en couple, et d’ailleurs, elle devient bien meilleure (professionnellement parlant) quand elle est en couple. Regardant fort peu de comédies romantiques, je ne peux pas vraiment le confirmer. En revanche, dans la première partie, j’ai découvert le concept de main character syndrom que j’ignorai totalement, notamment le fait de choisir telle ou telle musique pour se mettre en scène. Non, cela ne changera pas ma façon d’écouter de la musique ( ou au contraire de ne pas en écouter, vive le silence aussi).

Qui dit amour en ville nous parle aussi plus largement de l’amour en banlieue, et de sa complexité (qui l’on peut aimer, qui l’on ne peut pas aimer). Il nous parle aussi de son contraire, l’amour à la campagne, et l’autrice de s’interroger : se met-on en couple plus jeune à la campagne ou dans de toutes petites villes ? A-t-on des enfants plus jeunes ? Son expérience personnelle et les statistiques semblent bien dire que oui. Si elle a parlé de séries télévisées qui parlent d’amour, de films qui montrent le fossé, littéralement, entre Paris et la banlieue, elle nous montre aussi l’émission emblématique de « l’amour à la campagne », une émission que je ne regarde pas du tout mais dont on parle abondamment : l’amour est dans le pré, émission qui a aussi mis à l’écran des agriculteurs gays, des agricultrices lesbiennes, ce qui permet de rebondir sur une question : peut-on vivre une histoire d’amour LGBT en dehors de la ville ? L’autrice ouvre le débat, recueille des témoignages, note l’importance des réseaux sociaux pour rencontrer d’autres membres de la communauté LGBT, puisqu’en dehors des grandes villes, les lieux de rencontres sont rares.

Et je rebondis sur les applications de rencontre, qui permettent vraiment de rencontrer… et bien, qui on veut selon ce que l’on veut, y compris un coup d’un soir voire même une relation adultère. Comme quoi, on en apprend tous les jours (ne me demandez pas le nom des applis, je n’ai rien retenu). Je n’oublie pas non plus le poids financier de l’amour : oui, vivre en ville coûte cher, et se séparer, cela veut dire payer un loyer seul(e), les charges seul(e) et ce n’est pas toujours possible. Note : je me souviens d’un sondage paru il y a trois ans, qui indiquait bien que la première raison invoquée par une femme pour ne pas se séparer, c’est l’argent.

Je terminerai par un sujet qui semble plus léger, surtout en ce moment où Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ressort au cinéma (si, si, en même temps qu’un cycle de films de Marcel Pagnol) : le mythe de Paris, ville de l’amour, mythe très éloigné de la manière dont les écrivains, Victor Hugo et Emile Zola en tête, ont décrit la ville.

Foules sentimentales : Comment la ville impacte l’amour est un essai très riche, à la bibliographie très soignée, ce qui permet aux lecteurs qui souhaiteraient approfondir tel ou tel chapitre d’aller plus loin sur le sujet en question.