[Markandaya, Kamala] Le riz et la mousson
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[Markandaya, Kamala] Le riz et la mousson
Le riz et la mousson
Kamala Markandaya
J'ai lu Flammarion
Traduit de l'anglais par Anne-Marie Soulac
245 pages
1969
1ère édition Robert Laffont, 1956
Kamala Markandaya
J'ai lu Flammarion
Traduit de l'anglais par Anne-Marie Soulac
245 pages
1969
1ère édition Robert Laffont, 1956
Résumé de couverture :
Kamala Markandaya est née dans le sud de l'Inde, région qui sert de cadre à ce roman. Elle fit des études universitaires que la guerre interrompit. Elle servit comme agent de liaison, puis revint au journalisme grâce auquel elle apprit à connaître profondément son propre pays. Maintenant, Kamala Markandaya vit à la campagne où elle écrit des romans qui sont lus et aimés dans le monde entier.
Dans Le riz et la mousson, une paysanne indienne nous raconte son histoire : c'est en vérité un récit des plus simples dans lequel toutes les femmes se reconnaîtront. La vie de Rukmani est remplie par l'amour qu'elle porte à son mari, à ses enfants, à sa terre. Seulement cette terre est une des plus cruelles du monde, hantée par le spectre de la famine, dominée par les deux réalités essentielles : le riz et la mousson.
Mon avis :
Il est vrai que ce roman est un récit qui nous fait entrer de manière simple et sans chichis dans la vie quotidienne d'une femme indienne et de sa famille. Dire que toutes les femmes s'y reconnaîtront est aujourd'hui exagéré, car il faut d'emblée écarter le fait qu'elle est mariée par ses parents à 12 ans, et qu'elle aura son premier enfant à 14. Rukmani aura une vie de femme, travaillant la terre avec son mari, un homme bon qui l'aime sincèrement et se montre attentionné ; on peut dire qu'elle a plutôt de la chance, d'autant plus qu'elle sait lire et écrire, ce que tolère son mari, quoi qu'il ne le comprenne pas très bien.
Dès le départ du roman, nous avons droit à un retour en arrière, incomplet pour ménager l'attente : il semble que Rukmani livre ses souvenirs alors qu'elle est assez âgée, vivant avec deux de ses enfants. Au long de sa vie, elle a eu des fils qui ont tenté de vivre dans leur région, sont entrés à l'usine mais ont dû partir chercher fortune ailleurs. L'un est domestique en ville et semble s'en être bien sorti ; sa fille est devenue fille-mère après avoir été ramenée par son mari comme femme stérile. Enfin, le dernier fils a fait des études et sera l'assistant du médecin de leur petite ville, un Blanc du nom de Kenny, personnage complexe, parfois ombrageux, mais bienfaiteur qui a eu une grande importance dans leur vie.
L'ordre chronologique reprend vite ses droits, de l'arrivée de la très jeune fille dans la case de terre et de feuillages construite par son mari de ses mains, jusqu'à leur vieillesse. Son époux, Nathan, travaille malheureusement une terre qui ne lui appartient pas : ils sont extrêmement tributaires des aléas météorologiques, et l'on sent que pour la culture du riz, ils disposent d'une fenêtre réduite entre la mousson et la sécheresse. Les années passent, et peut-être une sur deux ou trois est désastreuse, ils connaissent la famine. Parallèlement à cela, une tannerie est construite dans le village, qui peu à peu évolue en une ville. Pour Rukmani et nombre des villageois, ce n'est pas pour le mieux, sinon pour quelques opportunistes : les prix augmentent, la ville pollue, les comportements des gens changent, deviennent plus égoïstes.
Nous découvrons tout un écosystème, des traditions, des relations ; les personnages sont bien définis, leurs interactions intéressantes. J'ai aimé la manière dont l'autrice décodait subtilement les attitudes, montrait de quelle manière une situation, même un conflit, peut basculer en autre chose. Et puis c'est l'Inde, ses couleurs, ses odeurs et ses goûts, mais également son atroce dureté, les crimes impunis lorsqu'ils s'exercent contre de pauvres hères, la faim qui vous saute dessus comme une bête sauvage, la peur omniprésente du lendemain, les enfants qui meurent tôt... C'est en même temps un belle leçon d'espoir, ou même de simple persévérance, d'une discipline réfléchie car il faut tout simplement aller de l'avant. Je regrette juste que parfois certains personnages disparaissent abruptement, que l'autrice n'aille pas toujours au bout des fils entrelacés de son intrigue.
J'ai aimé ce roman empreint d'une belle chaleur humaine, bien traduit, d'autant plus que je n'avais pas lu de roman indien depuis longtemps, cela m'a replongée dans un univers redevenu familier le temps d'une lecture. 4/5
Citations :
Là était sans doute la raison pour laquelle mes parents ne purent pas me trouver un mari riche et me donnèrent pour époux, quand j'eus douze ans, un paysan qui n'était même pas propriétaire de sa ferme et qui n'avait pour toute fortune que l'amour attentif que je lui inspirais. Nos parents, je le sais, murmurèrent que je faisais un mariage au-dessous de moi ; ma mère n'était pas très satisfaite, mais je n'avais ni beauté ni dot. (page 7)
(...) Mais la plupart du temps elles restaient à l'intérieur, et quand par extraordinaire elles sortaient, elles étaient voilées. On m'a dit que c'était pour obéir à leur religion : elles ne se laissaient voir par aucun homme en-dehors de leur mari. Quelquefois quand j'apercevais une silhouette enveloppée de volumineuses draperies se déplaçant dans un froufrou d'étoffe sous le soleil brûlant, ou un visage curieux dans l'entrebâillement d'une fenêtre ou d'un volet, j'éprouvais une pitié profonde pour ces femmes privées des plaisirs les plus simples : la chaleur du soleil ou la fraîcheur du vent sur la chair, la possibilité de marcher légère et libre, de se mêler aux hommes, de travailler avec eux. (page 64)
L'espoir, et la peur. Deux forces sœurs entre lesquelles au début nous étions tiraillés, sans pouvoir décider laquelle était la plus puissante. De la seconde nous ne parlions jamais, mais elle était toujours présente. La peur, compagne constante du paysan. La faim, toujours à ses côtés pour lui pousser le coude s'il se détendait un moment. Le désespoir, prêt à l'engloutir s'il se laissait aller. La peur ; peur du gouffre de l'avenir ; peur de l'aiguillon de la faim ; peur de l'ombre de la mort. (page 104)
C'était plus simple d'éviter ces questions, de passer rapidement près d'elle, une bonne parole aux lèvres, que de s'arrêter pour la questionner ; qui donc se chargerait allègrement d'une bouche de plus à nourrir ? C'est ainsi qu'un jour elle disparut sans histoire. On trouva son corps sur le chemin qui menait au puits, un pot de terre vide à côté d'elle et la toile de sac attachée autour de sa taille. Elle était morte de faim. (page 159)
Vers quoi peut se tourner un homme qui n'a pas d'argent ? Où peut-il aller ? Vaste, vaste monde réduit à la mesure des pièces que vous avez dans la main. Comme une chèvre au piquet, jusqu'ici et pas plus loin. Il n'y a que l'argent qui puisse allonger la corde, rien que l'argent. (page 217)
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