[Hrabal, Bohumil] Une trop bruyante solitude
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[Hrabal, Bohumil] Une trop bruyante solitude
Une trop bruyante solitude
de Bohumil Hrabal
Eds Robert Laffont (octobre 2007)
Collection Pavillons poche
120 pages
résumé :
Une trop bruyante solitude, d'abord diffusé en 1976 à Prague sous forme de "samizdat" (publication clandestine), est sans doute le livre qui a valu au grand écrivain tchèque le plus de notoriété. Majestueux cri de révolte lancé à l'assaut des sociétés totalitaires, l'histoire du narrateur, ouvrier dans une usine de vieux papiers destinés au recyclage, n'est pas sans faire penser - mutatis mutandis - au 1984 d'Orwell. Car notre héros, instruit presque malgré lui par la lecture des ouvrages interdits destinés au pilon (la Bible, le Talmud, les écrits de Lao-tseu entre autres), va faire renaître ces chefs-d'œuvres sous la forme d'une autre œuvre d'art (qui n'est pas sans rappeler les travaux d'un Jiri Kolar) : les pages broyées sont transformées en balles de papier décoratives ! Divers incidents et personnages tragicomiques viennent émailler cette fable sensible et émouvante qui invite le lecteur à une aimable réflexion sur le moderne, digne à la fois de nos philosophes des Lumières et des meilleurs esprits libertins.
L'auteur (wikipédia)
Bohumil Hrabal (28 mars 1914 à Brno - 3 février 1997 à Prague) est l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle.
Ses premières publications datent de 1963 ; il devient rapidement un des écrivains les plus populaires de son pays. Après l'invasion soviétique de l'été 1968 qui met fin au Printemps de Prague, il connaît des ennuis avec la censure pour « grossièreté et pornographie » et est interdit de publication. Deux de ses livres sont notamment livrés au pilon en 1970. Pour cette raison, nombre de ses ouvrages sont publiés en samizdat.
Il est interdit de publication de 1970 à 1976.
Il compte parmi les signataires de l'Anticharte et lui qui était tombé en disgrâce au moment du Printemps de Prague regagne la faveur du régime qui réenclenche le processus éditorial de ses œuvres.
C'est durant cette période qu'il écrit ses principaux chefs-d'œuvre largement inspirés de sa vie dans un style ou perce l'humour noir, le grotesque, l'ironie, la tendresse aussi et qui mêle le trivial (d'où l'accusation presque fondée s'il ne s'agissait pas ici de licence créative de « grossièreté et pornographie ») et l'argot au raffinement d'une langue extrêmement poétique :
* Moi qui ai servi le roi d'Angleterre
* Une trop bruyante solitude (1976) court et magistral roman dans lequel Hanta évoque son destin de « destructeur » de livres au fond de son atelier.
* La chevelure sacrifiée
* Les noces dans la Maison (trilogie).
Entre 1982 et 1985, il est de nouveau interdit de publication.
Bohumil Hrabal meurt à Prague le 3 février 1997 en sautant de la fenêtre de l'hôpital de Bulovka où il est soigné.
Mon avis:
"Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier, et c’est toute ma love story. Voilà trente-cinq ans que je presse des livres et du vieux papier, trente-cinq quand que, lentement, je m’encrasse de lettres, si bien que je ressemble aux encyclopédies dont pendant tout ce temps j’ai bien comprimé trois tonnes ; je suis une cruche pleine d’eau vive et d’eau morte, je n’ai qu’à me baisser un peu pour qu’un flot de belles pensées se mette à couler de moi ; instruit malgré moi, je ne sais même pas distinguer les idées qui sont miennes de celles que j’ai lues. C’est ainsi que, pendant ces trente-cinq ans, je me suis branché au monde qui m’entoure : car moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une belle phrase et je la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu’à ce que l’idée se dissolve en moi comme l’alcool ; elle s’infiltre si lentement qu’elle n’imbibe pas seulement mon cerveau et mon cœur, elle pulse cahin-caha jusqu’aux racines de mes veines, jusqu’aux radicelles des capillaires."
Tous les inquisiteurs du monde brûlent vainement les livres : quand ces livres ont consigné quelque chose de valable, on entend encore leur rire silencieux au milieu des flammes,parce qu'un vrai livre renvoie toujours ailleurs, hors de lui-même."
"À cette époque, quand je pressais des livres dans ma presse mécanique, quand dans un cliquetis de ferraille, je les écrabouillais par une force de vingt atmosphères, j’entendais des bruits d’ossements humains, comme si je broyais à la moulinette les crânes et les os des classiques écrasés dans ma presse, comme s’il s’agissait des phrases du Talmud : « Nous sommes semblables à des olives, ce n’est qu’une fois pressés que nous donnons le meilleur de nous-mêmes. »
Ce court roman est centré sur 'Antha, un vieux tchèque solitaire et alcoolique, travaillant seul, depuis trente-cinq ans, au fond d'une cave pour une usine de collecte et recyclage de papiers. On est en plein régime communiste et de nombreux livres sont interdits et détruits. Antha réussit un peu chaque jour à sauver un spécimen et son appartement croule sous des montagnes de livres .Avec ceux qu'il peut sauver, il crée une ultime oeuvre d'art en enfermant, au milieu du papier compressé , un ouvrage précieux, et en entourant le paquet ainsi obtenu d'une reproduction d'un tableau.
Antha revient sur des anecdotes de sa vie passée ; certaines sont cocasses comme les situations très embarrassantes voire honteuses dans lesquelles se plaçait Marinette, sa copine; d'autres attendrissantes, comme ce vieil oncle , ancien cheminot,qui récupéra un vieux poste d'aiguillage, quelques rails, une petite locomotive et trois wagonnets pour les mettre dans son jardin.
Au final, miné par sa solitude, et après avoir été rejeté de son travail qui était toute sa vie, il choisit de mettre fin à ses jours en choisissant la même destinée que celle des livres.
Ce roman est avant tout , sous la forme d'une fable mélancolique et tragi-comique, une dénonciation du régime communiste (et des régimes totalitaires en général), à l'instar de 1984 de Georges Orwell. On pense bien sûr aux autodafés de l'Inquisition ou de la période nazie.
A noter qu'il y a eu une adaptation en pièce de théâtre , mise en scène par Marc Badiou ainsi qu'en bande dessinée par Lionel Tran, Ambre et Valérie Bergez .
C'est après lecture, a posteriori, que j'ai apprécié la portée allégorique de cette oeuvre, que je relirai je pense en version album
Note 16/20
Invité- Invité
Re: [Hrabal, Bohumil] Une trop bruyante solitude
D'une étonnante poésie, non pas douce, agréable mais brutale, déroutante. Durant ma lecture je me demandais si c'était autobiographique tellement Hanta me semblait être réel, racontant son histoire, comme un acteur sur une scène de théâtre qui soliloque, avec quelques cruches de bières en plus.
Alors nous le suivons à travers ses souvenir, parfois gênant mais amusant, parfois d'une grande tristesse et parfois un peu... dégoûtant comme le passage sur les restes de son Oncle ... et toujours présente cette trop bruyante solitude le ronge, heureusement les livres, des trésors qu'il doit hélas détruire, lui apportent un certain réconfort, il se cultive presque malgré lui, admiratif, il en sauve quelques uns et les emportent chez lui.
Cela me faisait penser à un enfant qui aurait trouvé un animal blessé et l'aurait ramené chez lui pour en prendre soin.
Et naïvement, humainement, il rêve qu'il pourra racheter sa vieille presse, l'installer chez lui et faire de la destruction une oeuvre d'art.
Mais la vie est dure, cruelle et les hommes le sont davantage, son supérieur le rabaisse, le monde change il le voit, il ne trouve plus sa place, les choses évolues et cela l'abîme profondément, il l'accepte finalement, résigné en se donnant la mort dans cet endroit, le seul pour lui, qui était sa place, avec sa presse, les souris et le vieux papier...
C'est comme une cycle, la boucle est bouclée, tout n'est que répétition, un mouvement de va-et-vient, éternel recommencement auquel les nombreuses répétitions font échos, jusqu'à la fin.
C'est une lecture qui me laisse perplexe, je crois qu'il faut un certain temps pour en saisir la porté, la profondeur.
J'ai voté : Apprécié
Alors nous le suivons à travers ses souvenir, parfois gênant mais amusant, parfois d'une grande tristesse et parfois un peu... dégoûtant comme le passage sur les restes de son Oncle ... et toujours présente cette trop bruyante solitude le ronge, heureusement les livres, des trésors qu'il doit hélas détruire, lui apportent un certain réconfort, il se cultive presque malgré lui, admiratif, il en sauve quelques uns et les emportent chez lui.
Cela me faisait penser à un enfant qui aurait trouvé un animal blessé et l'aurait ramené chez lui pour en prendre soin.
Et naïvement, humainement, il rêve qu'il pourra racheter sa vieille presse, l'installer chez lui et faire de la destruction une oeuvre d'art.
Mais la vie est dure, cruelle et les hommes le sont davantage, son supérieur le rabaisse, le monde change il le voit, il ne trouve plus sa place, les choses évolues et cela l'abîme profondément, il l'accepte finalement, résigné en se donnant la mort dans cet endroit, le seul pour lui, qui était sa place, avec sa presse, les souris et le vieux papier...
C'est comme une cycle, la boucle est bouclée, tout n'est que répétition, un mouvement de va-et-vient, éternel recommencement auquel les nombreuses répétitions font échos, jusqu'à la fin.
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