[Gordimer, Nadine] L'arme domestique
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Votre avis sur l'arme domestique de Nadine Gordimer
[Gordimer, Nadine] L'arme domestique
Titre : L'arme domestique.
Auteur : Nadine Gordimer.
éditeur : 10/18
Nombre de pages : 309.
Quatrième de couverture :
Vendredi soirr : Claudia et Harald Lindgard, respectivement médecin et dirigeant d'une grande compagnie d'assurances, apprennent que Duncan, leur fils unique, vient d'être arrêté pour meurtre. Très vite, ils doivent se rendre à l'évidence : celui-ci a bel et bien assassiné Carl Jespersen, son ancien amant, qu'il a surpris dans les bras de Natalie James, sa petite amie névrosée. À compter de ce jour, leur vie s'arrête, et tous les petits rituels quotidiens seront impuissants à masquer la faille béante qui s'est creusée en eux. Leur seul espoir réside en la personne d'Hamilton Motsamaï, avocat brillant, mais face auquel ils devront faire taire leurs préjugés raciaux ; car Hamilton est noir, en ce pays d'Afrique du Sud où la discrimination a la dent dure...
Mon avis :
Le titre, déjà, est une énigme, qui sera levé au deux tiers du roman : comment une arme, telle un animal, peut-elle être domestique ? Dans cette Afrique du Sud qui sort tout juste de l'Apartheid (nous sommes en 1996), la violence est omniprésente, pas un jour sans qu'un ou plusieurs meurtres ne soient annoncé à la radio. Les deux personnages principaux, Harald et Claudia sont cepandant bien à l'abri de cette violence, dans la résidence ultra-sécurisée dans laquelle leur réussite sociale (il est arrivé à un échelon élevé dans une compagnie d'assurance, elle est médecin) leur a permis de déménager. Sauf que l'impensable se produit : leur fils unique Duncan est arrêté pour meurtre.
L'intrigue qui suit est épurée à l'extrême. Pas de rebondissements tortueux : Duncan reconnaît avoir tué son ami, qui avait une liaison avec sa petite amie, il est emprisonné et attend son jugement, qui aura lieu dans la deuxième partie du roman. Nadine Gordimer se concentre alors sur Harald et Claudia. Ils ne sont plus des conjoints, ils sont un père, une mère dont le fils a ôté la vie à un homme en dépit de l'éducation qu'il a reçue. Leur vie quotidienne devient transparente, pour ne plus se concentrer que sur les visites au parloir et les rendez-vous avec l'avocat.
Harald, fervent croyant, et Claudia, athée, ne vont cesser de s'interroger et d'être interrogés. La situation met cruellement en lumière ce qui les unit toujours et des différences qui ont, pensent-ils un temps, créer des failles dans l'éducation de leur fils, comme si s'attribuer une partie de la culpabilité pouvait le sauver. Nadine Gordimer refuse les clichés : s'ils vivent leur douleur à leur manière, chacun de leur côté, ils ne se déchirent pas. ne se séparent pas, leur attachement sincère et leur années de vie commune leur permettent de comprendre que, si leurs réactions sont différentes, ils n'en regardent pas moins dans la même direction.
Surtout, ils ouvrent les yeux sur leur choix, dans un pays où certains ont pris des risques pour leurs opinions. Oui, ils étaient contre l'Apartheid - en principe, tout bas - mais ils ont appliqué les règles. Ils n'ont pas combattu pour que les inégalités cessent, en dépit de leur foi (Harald) ou de leur certitude sur l'égalité entre les blancs et les noirs (Claudia) mais l'évolution de la société permettra peut-être de sauver leur fils.
Cette évolution passe par un débat contre la peine de mort - Harald analyse avec une lucidité rare le pourquoi de son soudain intérêt pour la question, puisque cette violence faite sur l'homme par l'Etat menace directement leur fils. Elle passe aussi par la découverte que l'homme qu'a tué Duncan était son ancien amant, renforçant ainsi leur sentiment qu'ils ne connaissaient que peu de choses sur la vie de leur fils unique. Elle passe encore par le fait que le meilleur défenseur est un avocat noir, doué, très doué, comme il le démontrera dans son habileté à mener interrogatoires et contre-interrogatoires, comme dans son acharnement à mener à bien sa tâche auprès des parents. Surpris d'abord par certaines stratégies, force leur est de se ranger à son avis. Cet avocat leur fait aussi découvrir, en les invitant chez lui, sa famille, ses proches, son mode de vie. Sa fille, qui peut causer d'égal à égal avec les Lindberg, de par son intelligence et sa réussite professionnelle, est le symbole d'une nouvelle génération, celle de l'après Apartheid.
La seconde partie prend une forme plus classique, si j'ose dire, elle est presque un roman de procès plutôt qu'un procès inclus dans un roman. Duncan a peu la parole, car il n'est pas véritablement le centre du combat. Le centre, c'est plutôt Nathalie, la jeune femme qui a tout déclanché, et qui elle non plus n'est pas un personnage conventionnel. Elle aurait pu être entourée d'un aura romanesque (Duncan lui a sauvé la vie), elle est un être bien réel, dont chacun des actes est une protestation contre ce retour forcée à la vie. Elle qui était désespérée parce qu'elle n'avait pu récupérer son enfant, elle reprend son destin en main, d'une manière qui pourrait choquer. N'est-elle pas présentée comme une femme fatale, elle qui a séduit l'ami/amant homosexuel de son compagnon,? Une femme, qui, avant cette soirée, multipliait les infidélités ? Pourtant je ne peux que ressentir de l'empathie pour cette jeune femme, non parce qu'elle a été en détresse, à un moment antérieur au récit, mais parce qu'elle n'a que faire de se comporter comme on s'attendrait à ce qu'elle se comporte, mais parce que ses actes sont en accord avec ce qu'elle ressent.
L'écriture de Nadine Gordimer m'a rappelé celle de Doris Lessing, précise, acérée, refusant toutes les facilités. Il n'est pas étonnant qu'elles aient reçu toutes les deux le prix Nobel de littérature.
Auteur : Nadine Gordimer.
éditeur : 10/18
Nombre de pages : 309.
Quatrième de couverture :
Vendredi soirr : Claudia et Harald Lindgard, respectivement médecin et dirigeant d'une grande compagnie d'assurances, apprennent que Duncan, leur fils unique, vient d'être arrêté pour meurtre. Très vite, ils doivent se rendre à l'évidence : celui-ci a bel et bien assassiné Carl Jespersen, son ancien amant, qu'il a surpris dans les bras de Natalie James, sa petite amie névrosée. À compter de ce jour, leur vie s'arrête, et tous les petits rituels quotidiens seront impuissants à masquer la faille béante qui s'est creusée en eux. Leur seul espoir réside en la personne d'Hamilton Motsamaï, avocat brillant, mais face auquel ils devront faire taire leurs préjugés raciaux ; car Hamilton est noir, en ce pays d'Afrique du Sud où la discrimination a la dent dure...
Mon avis :
Le titre, déjà, est une énigme, qui sera levé au deux tiers du roman : comment une arme, telle un animal, peut-elle être domestique ? Dans cette Afrique du Sud qui sort tout juste de l'Apartheid (nous sommes en 1996), la violence est omniprésente, pas un jour sans qu'un ou plusieurs meurtres ne soient annoncé à la radio. Les deux personnages principaux, Harald et Claudia sont cepandant bien à l'abri de cette violence, dans la résidence ultra-sécurisée dans laquelle leur réussite sociale (il est arrivé à un échelon élevé dans une compagnie d'assurance, elle est médecin) leur a permis de déménager. Sauf que l'impensable se produit : leur fils unique Duncan est arrêté pour meurtre.
L'intrigue qui suit est épurée à l'extrême. Pas de rebondissements tortueux : Duncan reconnaît avoir tué son ami, qui avait une liaison avec sa petite amie, il est emprisonné et attend son jugement, qui aura lieu dans la deuxième partie du roman. Nadine Gordimer se concentre alors sur Harald et Claudia. Ils ne sont plus des conjoints, ils sont un père, une mère dont le fils a ôté la vie à un homme en dépit de l'éducation qu'il a reçue. Leur vie quotidienne devient transparente, pour ne plus se concentrer que sur les visites au parloir et les rendez-vous avec l'avocat.
Harald, fervent croyant, et Claudia, athée, ne vont cesser de s'interroger et d'être interrogés. La situation met cruellement en lumière ce qui les unit toujours et des différences qui ont, pensent-ils un temps, créer des failles dans l'éducation de leur fils, comme si s'attribuer une partie de la culpabilité pouvait le sauver. Nadine Gordimer refuse les clichés : s'ils vivent leur douleur à leur manière, chacun de leur côté, ils ne se déchirent pas. ne se séparent pas, leur attachement sincère et leur années de vie commune leur permettent de comprendre que, si leurs réactions sont différentes, ils n'en regardent pas moins dans la même direction.
Surtout, ils ouvrent les yeux sur leur choix, dans un pays où certains ont pris des risques pour leurs opinions. Oui, ils étaient contre l'Apartheid - en principe, tout bas - mais ils ont appliqué les règles. Ils n'ont pas combattu pour que les inégalités cessent, en dépit de leur foi (Harald) ou de leur certitude sur l'égalité entre les blancs et les noirs (Claudia) mais l'évolution de la société permettra peut-être de sauver leur fils.
Cette évolution passe par un débat contre la peine de mort - Harald analyse avec une lucidité rare le pourquoi de son soudain intérêt pour la question, puisque cette violence faite sur l'homme par l'Etat menace directement leur fils. Elle passe aussi par la découverte que l'homme qu'a tué Duncan était son ancien amant, renforçant ainsi leur sentiment qu'ils ne connaissaient que peu de choses sur la vie de leur fils unique. Elle passe encore par le fait que le meilleur défenseur est un avocat noir, doué, très doué, comme il le démontrera dans son habileté à mener interrogatoires et contre-interrogatoires, comme dans son acharnement à mener à bien sa tâche auprès des parents. Surpris d'abord par certaines stratégies, force leur est de se ranger à son avis. Cet avocat leur fait aussi découvrir, en les invitant chez lui, sa famille, ses proches, son mode de vie. Sa fille, qui peut causer d'égal à égal avec les Lindberg, de par son intelligence et sa réussite professionnelle, est le symbole d'une nouvelle génération, celle de l'après Apartheid.
La seconde partie prend une forme plus classique, si j'ose dire, elle est presque un roman de procès plutôt qu'un procès inclus dans un roman. Duncan a peu la parole, car il n'est pas véritablement le centre du combat. Le centre, c'est plutôt Nathalie, la jeune femme qui a tout déclanché, et qui elle non plus n'est pas un personnage conventionnel. Elle aurait pu être entourée d'un aura romanesque (Duncan lui a sauvé la vie), elle est un être bien réel, dont chacun des actes est une protestation contre ce retour forcée à la vie. Elle qui était désespérée parce qu'elle n'avait pu récupérer son enfant, elle reprend son destin en main, d'une manière qui pourrait choquer. N'est-elle pas présentée comme une femme fatale, elle qui a séduit l'ami/amant homosexuel de son compagnon,? Une femme, qui, avant cette soirée, multipliait les infidélités ? Pourtant je ne peux que ressentir de l'empathie pour cette jeune femme, non parce qu'elle a été en détresse, à un moment antérieur au récit, mais parce qu'elle n'a que faire de se comporter comme on s'attendrait à ce qu'elle se comporte, mais parce que ses actes sont en accord avec ce qu'elle ressent.
L'écriture de Nadine Gordimer m'a rappelé celle de Doris Lessing, précise, acérée, refusant toutes les facilités. Il n'est pas étonnant qu'elles aient reçu toutes les deux le prix Nobel de littérature.
Dernière édition par Sharon le Mar 26 Juil 2011 - 16:44, édité 1 fois
Sharon- Modérateur
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Nombre de messages : 13287
Age : 46
Localisation : Normandie
Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Gordimer, Nadine] L'arme domestique
Merci Sharon pour cette très belle critique qui donne envie de découvrir cette lecture Je note ce livre pour plus tard!
Invité- Invité
Re: [Gordimer, Nadine] L'arme domestique
Merci Kély.
Je crois qu'il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman, réellement très riche.
Je crois qu'il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman, réellement très riche.
Sharon- Modérateur
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Localisation : Normandie
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Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Gordimer, Nadine] L'arme domestique
Merci Piou Piou.
Sharon- Modérateur
-
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