[Rigoni Stern, Mario] Histoire de Tönle

Titre : Histoire de Tönle (Storia di Tönle)
Auteur : Mario RIGONI STERN
Nouvelle traduction : Laura BRIGNON
Parution : en italien en 1978, en français à partir de 1988 (Gallmeister en 2023)
Pages : 144


Présentation de l'éditeur :  
Berger sur le plateau d’Asiagio, dans les Alpes italiennes, Tönle s’adonne à la contrebande pour subvenir aux besoins de sa famille. Quand il blesse par accident un douanier, il doit s’enfuir et devient mineur en Styrie, colporteur d’estampes dans les Carpates, jardinier à Prague… Pourtant, chaque hiver, trompant les gendarmes, Tönle retrouve son foyer et les siens. Les années passent et la Première Guerre mondiale fait éclater le monde tel qu’il le connaissait. Alors que sa région tant aimée n’est plus qu’un champ de bataille, le vieil homme obstiné refuse d’abandonner son troupeau, sa maison, sa famille.


Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Mario Rigoni Stern (1921-2008) est un écrivain italien devenu classique. Homme discret et pudique, il est originaire d’Asiagio en Vénétie, une région qu’il chérit par-dessus tout. À 17 ans, il s’engage comme chasseur alpin dans l’armée italienne. Six mois plus tard éclate la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier par les Allemands en 1943, il réussit à s’évader et regagne à pied son village natal. De cette expérience, il tire la matière de son superbe premier roman, Le Sergent dans la neige. Il trouve refuge sur les hauts plateaux de sa région natale, loin des honneurs et les prix littéraires qui saluent son œuvre.


Avis :
Le plateau d’Asiago, situé sur les Préalpes de Vénétie, entre Vicence et Trente, est un lieu de mémoire un peu particulier. Au Moyen Age vient s’y installer une minorité ethnique d’origine bavaroise, les Cimbres. D'abord reconnue culturellement autonome par la République de Venise, cette communauté est englobée en 1815 dans le royaume lombard-vénitien, vassal de l’Empire d’Autriche, et, considérée à tort comme pro-allemande pendant la première guerre mondiale – cette petite partie des Alpes est en l’occurrence totalement dévastée en 1916 par la plus grande bataille de montagne de l’Histoire –, fait ensuite les frais de la politique d’italianisation menée par les fascistes. Ainsi s’éteint alors quasiment la langue cimbre, un isolat comme l’est le basque dans les Pyrénées.

C’est en ces lieux au passé si singulier que naît et vit Mario Rigoni Stern. Lui qui grandit dans les ruines de la Grande Guerre se passionne pour les Alpins, dans lesquels il s’engage en 1938. Fait prisonnier par les Allemands, il s’évade, rentre à pied à Asiago et, quelque vingt ans plus tard, se lance dans l’écriture de ce qu’il considérera toujours modestement comme une œuvre mémorialiste, mais qui le classera parmi les auteurs classiques de la littérature contemporaine italienne. Premier volet d’une trilogie, Histoire de Tönle se nourrit de souvenirs rapportés ou vécus, faisant avec nostalgie la part belle à sa montagne d’origine, à la vie rude, pauvre, mais libre, des paysans et bergers habitués à n’y connaître ni maîtres ni frontières, jusqu’à ce que, ne laissant qu’une terre ravagée et pour longtemps inhabitable, la guerre ne vienne en sonner définitivement le glas.

Berger, Tönle mène, en cette seconde moitié du XIXe siècle et comme, avant lui, tant de générations, l’existence rythmée par les saisons, par les travaux agricoles et par les traditions de son village. Pour joindre les deux bouts, mais aussi peut-être un peu parce que cette montagne à la frontière du royaume d'Italie et de l'Empire austro-hongrois appelle à l’aventure, il se fait contrebandier, colporteur, et sillonnant à pied toute l’Europe Centrale, exerce les mille métiers – soldat, mineur, jardinier, gardien de chevaux... – que ses boucles itinérantes mettent sur sa route avant de toujours le ramener auprès des siens et de ses moutons, sur ces alpages ailleurs desquels il ne saurait vivre longtemps. Lorsqu'en 1914 la guerre éclate et commence par lui rogner les ailes en le confinant du côté italien, il ne se doute pas encore qu'en plein sur la ligne de front, il ne restera bientôt plus grand chose des villages bombardés du plateau d'Asiago. Refusant de se joindre à la population déplacée, il restera le plus longtemps possible auprès de son troupeau, avant de connaître un sort fortement calqué sur celui de l’auteur lors du conflit suivant, mais à la conclusion immensément plus tragique. La guerre ne se contente pas de tuer et de détruire : elle accélère aussi les mutations de la société, tournant définitivement certaines pages. Sur le plateau d’Asiago si longtemps préservé, c’est le chant du cygne d’un mode de vie et d'une identité culturelle ancestrale qui mène au désespoir le vieux Tönle…

La narration sans fioritures de Mario Rigoni Stern redonne vie à ces hommes et à ces femmes d’un autre siècle avec un réalisme et une authenticité sans défaut. L’on pense à Frison-Roche pour un certain nombre de points communs entre les deux hommes et leur œuvre. Quand, entre deux récits de montagne et d’aventure saharienne, l’écrivain français nous conte la sédentarisation forcée des Lapons, au même moment de l’autre côté des Alpes, l’auteur italien s‘attache à la mémoire du tout petit peuple cimbre, partageant, au fil de son écriture habitée et au travers d’un personnage clairement son alter ego, la nostalgie d’un homme épris de nature et de liberté pour qui la modernité fait figure de prison. Une bien belle redécouverte que nous permettent les éditions Gallmeister avec cette toute nouvelle traduction. (4/5)

Gigi Ghirotti regarde chaque soir cette vache à l'horizon, sur les pentes du Moor, là où en 1916 fut installé un abri pour une batterie de canons. L'auteur va lui raconter l'histoire de Tönle Bintarn.
Tönle Bintarn est berger, il vit avec sa famille et ses moutons sur le plateau d'Asiago dans les Alpes italiennes, près de la frontière de l'Empire austro-hongrois. Il vit dans une modeste maison avec sur le toit un cerisier qui pousse. 
Avec d'autres villageois il fait un peu de contrebande pour pourvoir aux besoins de sa famille, avec la tolérance modérée des douaniers qui ferment plus ou moins les yeux moyennant une petit pièce. Jusqu'au jour où accidentellement Tönle blesse un douanier avec son bâton. Pourchassé, Tönle fuit et se cache. pendant plusieurs années, il passera la frontière afin de chercher du boulot, il sera colporteur d'estampes, mineur, jardinier ... mais chaque Noël en douce il rentrera chez lui avec son petit pécule gagné. Et à chaque retour il découvrira qu'il a un fils ou une fille.
Quand enfin, il n'y a plus de risque qu'il se fasse arrêter, il retrouvera sa famille et ses moutons et son chien, et il ne quittera plus son cher cerisier. 
Mais la guerre 14-18 arrive à grands coups de canons et fusils, alors que tout le village fuit y compris sa famille, que deux de ses fils sont enrôlés dans les chasseurs alpins, Tönle qui est maintenant un vieux berger, lui décide de rester avec ses brebis et son chien. Alors, que son doux monde part en miettes sous les bombes, Tönle résiste, jusqu'au jour où il est arrêté avec ses moutons et son chien.
Puis, il rentrera chez lui à la recherche de ses moutons et du cerisier sur sa maison, mais plus rien ne sera pareil...

Mario Rigoni Stern nous transporte avec son écriture pleine de poésie, dans la vie simple d'un berger d'un village d'avant guerre, il nous narre la vie où on vit de peu, ou un simple cerisier sur le toit est le symbole de cette liberté, de cette joie de vivre, ce point d'ancrage et pour rien au monde Tönle ne quittera son chez lui.

Je ne suis pas sûre d'avoir su apprécier cette lecture à sa juste valeur, j'ai trouvé cette lecture assez linéaire, et tous ces noms à consonnance Autrichienne, ont pour ma part cassé la poésie du texte, peut être il y en avait trop et j'étais un peu perdue au milieu de tout ça. 
J'ai aimé ce personnage fort dans ses convictions, qui suivra sa route conte vents et marées. Cela ne pouvait que se finir comme ça au pied de sa montagne. 

Merci au forum Partage/Lecture et aux éditions Gallmeister ( Totem ) pour ce partenariat 

Merci pour ces avis (je n'avais pas vu passer celui de Cannetille) : j'ai hésité pour ce partenariat, c'est un roman qui pourrait me plaire. J'aime bien l'environnement de la montagne, et vous en avez bien parlé.

@Cannetille, le roman de Frison-Roche dont tu parles c'est La dernière migration ? Encore un auteur à côté de qui je suis passée, et auquel il faudrait que je me mette...

@Louloute, les problèmes de noms, ça m'arrive aussi quand les langues ont des systèmes ou des sonorités différents des nôtres, surtout ceux qui reprennent "fils de" dans le nom de famille, comme en russe ou en arabe - on est vite perdu. J'ai aussi du mal avec les noms allemands ou nordiques, et en coréen je ne t'en parle même pas ! Le nom de famille est en premier, le prénom est en deux syllabes ; comme les noms de famille sont peu nombreux, tu as vite l'impression que ce sont les mêmes noms, d'autant plus que les prénoms sont des combinaisons de syllabes assemblées différemment. Par exemple, tu auras Kim Min Gi, Park Min Gi, Choi Min Gi, etc... On s'habitue, heureusement !

Oui, Elea, je pensais bien à La dernière migration, que j'avais adoré.

Cannetille a écrit:Oui, Elea, je pensais bien à La dernière migration, que j'avais adoré.

J'aime énormément ces peuples du Grand Nord : Inuits, Lapons, Sami, Evènes... Je retiens ta suggestion !

J’ai pour habitude de laisser passer une nuit (voire deux) pour que ma critique se forme dans mon esprit mais j’ai envie pour cette lecture de la faire à chaud.
Du milieu des années 1800 jusqu’aux portes de la première guerre mondiale, nous suivons Tönle. Simple berger bien qu’il ait sûr une place au sein de l’armée durant une période. Bien que sa vie soit rangée, il quitte sa famille à la fin de l’hiver où le vent le mène afin de vivre de contrebande pour ramener ses gains chez lui à l’approche du prochain hiver. Il habite sur le plateau d’Asiagio, dans les Alpes italiennes. Il traverse donc la frontière pour arriver sur les plaines Austro-Hongroises.
A la suite d’une altercation avec un douanier, il devra se cacher durant des années sous peine d’être arrêté. Mais il continuera son train de vie bien malgré ça, en revenant voir femme et enfants à la froide période en effectuant des petits boulots.
Mais arrive la guerre où les bataillons italiens font rage et se confrontent à l’ennemi. Son village sera évacué ainsi que sa famille mais notre protagoniste encore une fois se refuse à tout abandonner.
L’histoire continuera de le suivre.
Il est difficile d’en dire plus sans spoiler à la vue du nombre de pages de l’œuvre mais c’est une lecture qui vous transporte. Des mots, des paroles de l’auteur telle une poésie à travers les canons, les débris et la guerre mais où vous entrevoyez la verdure des forêts, des plaines où les brebis peuvent paître.
Une guerre où sont engagés deux de ses fils, ses filles déjà mariés, notre berger continue de survivre, de se cacher.
Une plume qui est à la limite de vous monter les larmes aux yeux par cette période si sombre de l’histoire et une fin qui ne peut pas laisser indifférent mais tellement bien écrite.
Ce roman aborde un sujet dur mais est pour moi léger et ce roman est beau !

Je l’ai très apprécié … Je remercie les éditions totem et notre forum pour ce petit moment où plongé au fond de mon lit et dans mon canapé, je ne souhaitais que poursuivre ma lecture page après page

Mon avis : 

Une histoire simple. Et pourtant, elle nous dit tellement de choses sur une époque qui n'est plus. 

Tönle est un berger. Il vit sur le plateau d’Asiagio, dans les Alpes italiennes.  Il n'est pas seulement berger, parce qu'il faut bien faire vivre les siens. Il fait aussi de la contrebande - un peu. Il passe la frontière, lien ténu entre deux payts, l'Autrice et l'Iltalie. Un jour, il blesse un douanier, accidentellement. Il est condamné parce qu'on ne plaisante avec ce genre de choses au XIXe siècle. Alors, le récit aurait pu basculer mais non : il reste simple, limpide, poétique, parce que Tönle vivra de différents petits métiers, parce qu'il ne s'agira pas de se révolter, non, de vivre avec, avec la complicité aussi des siens, qu'il retrouve tous les hivers, de cette famille qui s'agrandit peu à peu. 

Epoque qui n'est plus, parce que, si peu de choses changèrent au cours de la vie de Tönle, le grand événement qui viendra tout modifier, c'est la première guerre mondiale, dont on ne perçoit pas tout d'abord toutes les conséquences qu'elle aura dans ce coin perdu, presque isolé du monde. La guerre s'invitera peu à peu, on l'entendra, d'abord, puis elle s'imposera, montrant que ces quatre années de guerre, qui bouleversera Tönle et sa famille, sont parvenues à mettre fin à un mode de vie qui avait pourtant perduré pendant des décennies, pour ne pas dire des siècles. J'utilise souvent le mot "simple" dans cet avis parce que ce roman, par la voix de son narrateur que nous découvrons au début et à la fin du récit, nous montre des êtres capables d'aimer, d'apprécier des petites choses à côté desquelles l'on pourrait passer. Tönle prendra de plein fouet tous ces bouleversements, pour ne pas dire ces ravages, lui qui aspirait simplement à rester auprès de son chien et de ses moutons.

Merci aux éditions Gallmeister et à Partage-Lecture pour ce partenariat.