[Memlouk, William] Mingus Mood
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Votre avis sur ce livre
[Memlouk, William] Mingus Mood
![[Memlouk, William] Mingus Mood Mingus10](https://i.servimg.com/u/f46/16/06/78/10/mingus10.jpg)
Titre : Mingus Mood
Auteur : William Memlouk
Editeur : Julliard
Année d'édition : 2011 (septembre)
Nombre de pages : 260
Le livre et mon avis mélangés :
Mingus Mood, comme Charlie Mingus, un contrebassiste de jazz des années 50, un homme au physique impressionnant qui agrippait son instrument et plaquait ses grandes mains sur les cordes pour en faire sortir une musique atypique et souvent sans douceur. Mingus Mood, comme Tijuana Mood, l'album que Charlie et ses musiciens sont allés enregistrer en 1957 à Tijuana, au Mexique. Pourquoi Charlie a-t-il décidé de partir ainsi au Mexique ? Pour fuir un amour impossible, celui d'une Blanche de Greenwich Village, pour goûter à tous les plaisirs interdits de Tijuana, alcool, drogue et jazz à gogo ? Ce qui est certain, c'est que cet album est reconnu par les amateurs du genre.
L'histoire de ce voyage en camionnette Ford est racontée à une journaliste, deux ans après la mort de Charlie (en 1979), par un de ses amis musiciens. Il nous trace le portrait d'un homme dont la vie a été profondément marquée par le racisme et la violence, qu'il a ressentis tragiquement dans la mort de sa mère et dans les coups qu'il a pris lui-même. Violence qu'il ne pouvait exprimer que dans sa musique, car les mots ne parvenaient pas à sortir de lui, à dire ses émotions. C'est ainsi qu'il quittera brutalement la femme qu'il aime et qui l'aime, sans aucune explication. Une rupture sans doute signe de cette incommunicabilité entre le monde des Noirs et l'Amérique des Blancs, entre une musique aseptisée et un jazz virulent, rebelle, rageur. "Souffle de colère ou vent de liberté dont on ne savait précisément situer l'origine." (p. 193)
On ressent dans ce livre non seulement cette rudesse, cette rage mais aussi toutes les frustrations de Charlie M. (son essai de psychanalyse est assez cocasse). On respire aussi tous les parfums interdits de l'alcool à gogo, de la chaleur des nuits en boîte de jazz. On accompagne un homme écartelé, dévoré par la musique, et dont la vie se terminera tragiquement.
"Beaucoup ont d'ailleurs répété que, cachés derrière les silences de l'homme, il était possible d'entendre les cris du musicien - un musicien irascible, nerveux et susceptible.
Il me semble surtout que ces cris renfermaient une grande part de frustration. Charlie était un être déraciné. Paumé comme un chien. Egaré entre deux mondes. L'Afrique d'un côté, l'Amérique de l'autre. Une ironie de l'Histoire que des milliers de nègres avaient fini par accepter. Une plaisanterie existentielle vieille d'au moins trois siècles, qui avait emporté sa propre mère, qui le rendait impuissant mais qu'il s'échinait malgré tout à contester, obstinément, à sa façon, avec sa contrebasse comme seul recours, comme unique voix." (p. 80)
Une belle partition musicale que ce premier roman de William Memlouk, qui mêle éléments biographiques et imaginaires, rythmes saccadés et écriture souple et imagée... comme une improvisation de jazz. L'auteur explique son travail et la personnalité de Charlie Mingus ici.
"Charlie l'arrogant, Charlie l'impoli, Charlie l'indomptable qui avait eu le malheur de naître noir et de n'être rien. Charlie l'intranquille, l'isolé, l'exilé... un peu ici, un peu ailleurs, jamais chez lui." (p. 142)
Invité- Invité
Re: [Memlouk, William] Mingus Mood
Un livre qui n'est peut être pas pour moi, peut être un jour ...
Invité- Invité
Re: [Memlouk, William] Mingus Mood
Malgré l'univers jazzy qui me tente moyen, je trouve ta critique superbe et le personnage intriguant à souhait. Je me le note!
Invité- Invité
Re: [Memlouk, William] Mingus Mood
Un livre qui ne me tente pas (pour le moment) mais c'est une belle présentation de ce livre,

Invité- Invité
Re: [Memlouk, William] Mingus Mood
Mon avis :
Je trouve qu'on ne parle pas assez de ce livre. Des romans qui tentaient de transcrire les émotions d'un musicien, j'en ai lu, et certains étaient si remplis de lieux communs que je n'ai pas jugé utile d'écrire un article à leur sujet.
Pour vous dire pourquoi mon sentiment est très différent, il faut d'abord dire en quoi Charlie M est un musicien différent. Pas de complaisance avec lui-même, pas de pose de musicien "qui est enchaîné huit heures par jours à son instrument et se donne tout en entier à la musique", tout en guettant du coin de l'oeil les admiratrices potentielles et l'approbation des critiques. La musique est sa vie, son seul moyen d'exprimer sa colère et sa rage : le jazz permettait de telles révoltes à l'époque. Se jetant sur scène, Charlie livre véritablement grâce à son inspiration un combat contre tout ce qu'il a vécu dans cette Amérique des années 50 où la ségrégation est une réalité. Les mots, il les maîtrise mal, même sa psychanalyse (assez réjouissante) se fera en partie grâce à son instrument.
Nous pouvons aussi compter sur la bienveillance et la tendresse du narrateur, musicien engagé dans la lutte pour les droits des Noirs. Bien que le roman soit bâtie comme une interview, nous entendons rarement la voix de la journaliste, pourtant pugnace. Le narrateur va au plus juste et s'il livre beaucoup sur son ami, sur les difficultés des autres jazzmen, qui paient souvent d'une mort précoce leurs excès et leurs combats, il dira fort peu de choses sur lui-même. Parfois, c'est à Charlie lui-même qu'il s'adresse, en le tutoyant, lui disant ainsi tout ce que dans le feu de l'action, il n'a pas eu le temps de dire.
Un très beau roman que je vous recommande chaudement.
Je trouve qu'on ne parle pas assez de ce livre. Des romans qui tentaient de transcrire les émotions d'un musicien, j'en ai lu, et certains étaient si remplis de lieux communs que je n'ai pas jugé utile d'écrire un article à leur sujet.
Pour vous dire pourquoi mon sentiment est très différent, il faut d'abord dire en quoi Charlie M est un musicien différent. Pas de complaisance avec lui-même, pas de pose de musicien "qui est enchaîné huit heures par jours à son instrument et se donne tout en entier à la musique", tout en guettant du coin de l'oeil les admiratrices potentielles et l'approbation des critiques. La musique est sa vie, son seul moyen d'exprimer sa colère et sa rage : le jazz permettait de telles révoltes à l'époque. Se jetant sur scène, Charlie livre véritablement grâce à son inspiration un combat contre tout ce qu'il a vécu dans cette Amérique des années 50 où la ségrégation est une réalité. Les mots, il les maîtrise mal, même sa psychanalyse (assez réjouissante) se fera en partie grâce à son instrument.
Nous pouvons aussi compter sur la bienveillance et la tendresse du narrateur, musicien engagé dans la lutte pour les droits des Noirs. Bien que le roman soit bâtie comme une interview, nous entendons rarement la voix de la journaliste, pourtant pugnace. Le narrateur va au plus juste et s'il livre beaucoup sur son ami, sur les difficultés des autres jazzmen, qui paient souvent d'une mort précoce leurs excès et leurs combats, il dira fort peu de choses sur lui-même. Parfois, c'est à Charlie lui-même qu'il s'adresse, en le tutoyant, lui disant ainsi tout ce que dans le feu de l'action, il n'a pas eu le temps de dire.
Un très beau roman que je vous recommande chaudement.
Sharon- Modérateur
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Date d'inscription : 01/11/2008

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