[Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
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Votre avis sur ce livre
[Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Titre : Les heures siencieuses
Auteur : Gaëlle Josse
Editeur : Autrement
Année : 2011
Nombre de pages : 100
Présentation du livre (par mes soins) :
Intérieur avec femme jouant de l'épinette, c'est le tableau de Emmanuel de Witte, peintre ayant vécu à Delft, qui est le point de départ de ce premier roman.
La femme que l'on voit de dos, c'est Magdalena, épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft. Nous sommes en novembre 1667, Magdalena a trente-six ans et commence à se confier à son journal intime. Elle y raconte son enfance, ses souvenirs de jeune fille, de jeune femme. Aînée d'une famille de cinq filles, à la grande déception du père, elle a cependant appris de lui les finesses du métier, elle a su mériter sa confiance et son estime pour l'aider à administrer la Compagnie des Indes orientales, elle est familière du monde maritime, des bateaux, elle connaît bien les épices et autres produits précieux ramenés de Chine, du Japon, de la côte de Coromandel, elle sait flairer les modes et faire évoluer le commerce de l'époque.
Elle a fait un bon mariage avec Pieter Van Beyeren, capitaine de bateau, elle a connu les joies et les affres de la maternité en ce siècle où les petits enfants sont facilement emportés par un simple refroidissement. Elle parle avec simplicité de sa condition de femme aisée, qui était assez compétente et avisée pour succéder à son père mais qui a dû se contenter de la vie au foyer. Une soumission "obligée" à l'homme, le père ou le mari, mais des aspirations modernes dans ce récit.
Dans son journal, elle conte ses secrets, ses douleurs, ses déceptions et ses désirs. Elle explique pourquoi elle a voulu se faire représenter de dos, alors que la toile est censée mettre en valeur la richesse de la famille.
Voilà un roman très court, et cependant riche de l'évocation d'une compagnie maritime et d'un intérieur au 17e siècle, empli de la bonté et de la sensibilité de Magdalena. Un texte au phrasé élégant, qui accompagne à merveille la délicatesse, la fraîcheur de son héroïne. Sa mélancolie aussi...
Magda fait référence au maître Vermeer de Delft et à quelques-unes de ses toiles les plus célèbres. Je n'ai pu m'empêcher de penser à La jeune fille à la perle bien sûr, mais ici le point de vue et le contexte sont très différents.
Une belle découverte, un premier roman qui augure un bel avenir à cette romancière qui est l'auteur de plusieurs recueils de poésie. Cela se ressent avec bonheur dans son écriture.
"Du plus loin que je me souvienne, les histoires de marine et de négoce m'ot tenu lieu de contes, et je m'endormais bercée par des songes peuplés de navires, d'océans, d'îles, de cités lointaines, d'animaux et de peuples extraordinaires.
Dois-je confesser ici que je prenais le plus grand plaisir aux conversations sérieuses qui me grandissaient aux yeux de mon père, et me tenaient éloignée des choses de la maison ?"
A propos de l'auteur :
Gaëlle Josse est née en 1960. Après des études de droit, de journalisme, de psychologie et quelques années passées en Nouvelle-Calédonie, elle travaille à Paris comme rédactrice dans un magazine. Elle vit en région parisienne. Elle a publié des poèmes dans de nombreuses revues et est l'auteure de plusieurs recueils de poésie. Les heures silencieuses est son premier roman.
Invité- Invité
Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Adraviata, tu as oublié de voter il me semble
Ce livre avait été un coup de coeur pour moi quand je l'ai lu il y a quelques mois. J'avais trouvé l'histoire originale, le personnage de Magdalena très intéressant, très touchant, le tout servi par une jolie écriture. Un agréable moment de lecture
Ce livre avait été un coup de coeur pour moi quand je l'ai lu il y a quelques mois. J'avais trouvé l'histoire originale, le personnage de Magdalena très intéressant, très touchant, le tout servi par une jolie écriture. Un agréable moment de lecture
yaki- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 10/06/2008
Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
En ffet, je n'avais pas voté, merci Yaki. Un premier roman très réussi !
Invité- Invité
Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Imaginez aller au musée et découvrir un tableau, rester devant pour mieux le cerner et finalement entrer dedans et inventer une histoire à la femme présente et qui nous tourne le dos...
tel est mon ressenti vis à vis de ce roman, écrit d'une belle plume par Gaëlle Josse, sous la forme d'un journal intime dans lequel Madgdalena, fille d'un riche marchand au temps de la Compagnie des Indes puis femme d'un capitaine de bateau qui gérera l'affaire à son tour.
L'histoire est lente, sans grande action, on "écoute" Magdalena nous décrire sa vie, ses espoirs, ses déceptions.
Gaëlle Josse dépeint tout à fait la vie des femmes de cette époque, la soumission, le droit d'éduquer les enfants, l'obéissance au père puis au mari, le non droit à la parole même concernant ses désirs de femme.
Ce n'est pas un coup de cœur pour moi, j'aurais aimé plus de profondeur dans les histoires et la vie des personnages, ce livre m'a laissé sur ma faim quoique je le trouve très bien écrit et pleins de poésie et de vérité.
tel est mon ressenti vis à vis de ce roman, écrit d'une belle plume par Gaëlle Josse, sous la forme d'un journal intime dans lequel Madgdalena, fille d'un riche marchand au temps de la Compagnie des Indes puis femme d'un capitaine de bateau qui gérera l'affaire à son tour.
L'histoire est lente, sans grande action, on "écoute" Magdalena nous décrire sa vie, ses espoirs, ses déceptions.
Gaëlle Josse dépeint tout à fait la vie des femmes de cette époque, la soumission, le droit d'éduquer les enfants, l'obéissance au père puis au mari, le non droit à la parole même concernant ses désirs de femme.
Ce n'est pas un coup de cœur pour moi, j'aurais aimé plus de profondeur dans les histoires et la vie des personnages, ce livre m'a laissé sur ma faim quoique je le trouve très bien écrit et pleins de poésie et de vérité.
safran- Membre connaisseur
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Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Je viens de terminer "Les heures silencieuses" lu d'une seule traite...
L'écriture est tellement agréable, poétique, riche de sentiments exprimés en demi-teinte qu'on pénètre dans l'intimité de Magdalena dès la première page.
Nous sommes transportés dans cette riche maison hollandaise, dans les années 1667, Magdalena se confie à son journal parce qu'elle n'a jamais osé se laisser aller aux confidences.
On se plait à rêver à la vie de Magdalena à notre époque, elle qui se sent vieille à 36 ans, et honteuse de ressentir "un coup de cœur", bien platonique d'ailleurs.
Tout est dit avec mesure et quelques phrases sont magnifiques de justesse et d'ironie:
J'ai beaucoup aimé ce livre, sans qu'il soit un coup de cœur, je vote: beaucoup apprécié
L'écriture est tellement agréable, poétique, riche de sentiments exprimés en demi-teinte qu'on pénètre dans l'intimité de Magdalena dès la première page.
Nous sommes transportés dans cette riche maison hollandaise, dans les années 1667, Magdalena se confie à son journal parce qu'elle n'a jamais osé se laisser aller aux confidences.
On se plait à rêver à la vie de Magdalena à notre époque, elle qui se sent vieille à 36 ans, et honteuse de ressentir "un coup de cœur", bien platonique d'ailleurs.
Tout est dit avec mesure et quelques phrases sont magnifiques de justesse et d'ironie:
"Je n'ai pas le goût pour les confidences que s'échangent les femmes entre elles. Trop souvent, on voit le secret de l'une, sitôt franchi ses lèvres, porté à la connaissance des autres. Il devient leur jouet et elles en disposent à leur guise. Ce ne sont que broderies et arabesques, chacune y ajoute ses motifs et ses couleurs, et la réalité de l'affaire disparaît sous les ornements"
J'ai beaucoup aimé ce livre, sans qu'il soit un coup de cœur, je vote: beaucoup apprécié
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Step- Grand sage du forum
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Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Step a écrit :
.
Je ne saurais pas mieux exprimer mon ressenti, un bijou de poésie pour moi. Une vie avec ses joies, ses peines, ses douceurs, ses regrets, ses rêves....
Vous l'aurez compris un super pour moi
.
Je viens de terminer "Les heures silencieuses" lu d'une seule traite...
L'écriture est tellement agréable, poétique, riche de sentiments exprimés en demi-teinte qu'on pénètre dans l'intimité de Magdalena dès la première page.
Nous sommes transportés dans cette riche maison hollandaise, dans les années 1667, Magdalena se confie à son journal parce qu'elle n'a jamais osé se laisser aller aux confidences.
On se plait à rêver à la vie de Magdalena à notre époque, elle qui se sent vieille à 36 ans, et honteuse de ressentir "un coup de cœur", bien platonique d'ailleurs.
Je ne saurais pas mieux exprimer mon ressenti, un bijou de poésie pour moi. Une vie avec ses joies, ses peines, ses douceurs, ses regrets, ses rêves....
Vous l'aurez compris un super pour moi
Invité- Invité
Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Creuse, un moment magnifique...je suis heureuse qu'il t'ait plu.
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Step- Grand sage du forum
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Date d'inscription : 12/04/2012
Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Résumé de couverture :
À l'heure où mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout.
Je garde l'espoir, naïf peut-être, qu'un tel aveu sera comme l'amputation d'un membre inguérissable qui, pour douloureuse qu'elle soit, permet de sauver le reste du corps.
Tout paraît à sa juste place dans la vie de Magdalena, épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft. Rigoureuse, maîtresse d'elle-même, elle aurait pu succéder à son père. Mais le commerce est réservé aux hommes.
Sa place est au foyer. Magdalena doit se limiter à cet espace intérieur, où elle a souhaité se faire représenter à son épinette, de dos. Un décor à secrets, que son journal intime dévoile. Déceptions, souvenirs, drames familiaux, mais aussi joies, et désirs interdits... Dans le silence de l'heure, derrière le précaire rempart de l'ordre et de la mesure, Magdalena transcrit les vacillements de son coeur, explorant les replis les plus secrets de l'âme.
Mon avis :
J'ai terminé ce court roman dans lequel je suis entrée plutôt facilement - la forme du journal permet une certaine intimité avec le personnage, une proximité.
Malgré son assez jeune âge, Magdalena semble à une étape de sa vie où elle doit dresser des bilans : elle se laisse aller à des souvenirs d'enfance, elle remonte le fil du temps de sa vocation, lorsqu'elle aimait accompagner son père au déchargement des bateaux, et qu'il lui demandait conseil, qu'il avait confiance dans son jugement.
Puis sa rencontre avec Pieter, leurs fiançailles, les enfants, devenus maintenant de jeunes gens, sauf le benjamin. Certains sont morts au fil des années, la maternité est alors chose douloureuse, il faut pourtant s'y résigner. Sa soeur, elle, se ronge les sangs car elle n'a pas de descendance.
La narration est resserrée, certains épisodes marquants se détachent : perte du navire Amsterdam et regret qu'il ait coulé à cause de l'esclavage (qu'elle désapprouve), visite de la délégation française, intrigue amoureuse vite laissée de côté au bénéfice de sa fille cadette. Dans sa réflexion douce-amère, Magdalena abandonne ses illusions, et se prépare avant l'heure aux renoncements de l'âge, ce qui n'est pourtant pas si triste, car elle y puise un apaisement, et renoue avec les souvenirs heureux de l'enfance.
J'ai voté "apprécié".
Extrait :
"L'ordre, la mesure et le travail sont des remparts contre les embarras de l'existence. C'est ce qu'on nous apprend dès l'enfance. vanité de croire cela. Chaque jour qui passe me rappelle, si besoin était, que la conduite d'une vie n'est en rien semblable à celle d'un stock d'épices ou de porcelaine." (page 22)
À l'heure où mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout.
Je garde l'espoir, naïf peut-être, qu'un tel aveu sera comme l'amputation d'un membre inguérissable qui, pour douloureuse qu'elle soit, permet de sauver le reste du corps.
Tout paraît à sa juste place dans la vie de Magdalena, épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft. Rigoureuse, maîtresse d'elle-même, elle aurait pu succéder à son père. Mais le commerce est réservé aux hommes.
Sa place est au foyer. Magdalena doit se limiter à cet espace intérieur, où elle a souhaité se faire représenter à son épinette, de dos. Un décor à secrets, que son journal intime dévoile. Déceptions, souvenirs, drames familiaux, mais aussi joies, et désirs interdits... Dans le silence de l'heure, derrière le précaire rempart de l'ordre et de la mesure, Magdalena transcrit les vacillements de son coeur, explorant les replis les plus secrets de l'âme.
Mon avis :
J'ai terminé ce court roman dans lequel je suis entrée plutôt facilement - la forme du journal permet une certaine intimité avec le personnage, une proximité.
Malgré son assez jeune âge, Magdalena semble à une étape de sa vie où elle doit dresser des bilans : elle se laisse aller à des souvenirs d'enfance, elle remonte le fil du temps de sa vocation, lorsqu'elle aimait accompagner son père au déchargement des bateaux, et qu'il lui demandait conseil, qu'il avait confiance dans son jugement.
Puis sa rencontre avec Pieter, leurs fiançailles, les enfants, devenus maintenant de jeunes gens, sauf le benjamin. Certains sont morts au fil des années, la maternité est alors chose douloureuse, il faut pourtant s'y résigner. Sa soeur, elle, se ronge les sangs car elle n'a pas de descendance.
La narration est resserrée, certains épisodes marquants se détachent : perte du navire Amsterdam et regret qu'il ait coulé à cause de l'esclavage (qu'elle désapprouve), visite de la délégation française, intrigue amoureuse vite laissée de côté au bénéfice de sa fille cadette. Dans sa réflexion douce-amère, Magdalena abandonne ses illusions, et se prépare avant l'heure aux renoncements de l'âge, ce qui n'est pourtant pas si triste, car elle y puise un apaisement, et renoue avec les souvenirs heureux de l'enfance.
J'ai voté "apprécié".
Extrait :
"L'ordre, la mesure et le travail sont des remparts contre les embarras de l'existence. C'est ce qu'on nous apprend dès l'enfance. vanité de croire cela. Chaque jour qui passe me rappelle, si besoin était, que la conduite d'une vie n'est en rien semblable à celle d'un stock d'épices ou de porcelaine." (page 22)
elea2020- Grand sage du forum
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Re: [Josse, Gaëlle] Les heures silencieuses
Tandis que les autres épouses des notables de Delft s’enorgueillissent de leurs portraits peints à la nouvelle manière de Vermeer - qui, balance en main devant ses bijoux, qui, écrivant une lettre dans son intérieur bourgeois -, Magdalena choisit, elle, le peintre De Witte, pour se faire représenter de dos, jouant de l’épinette dans l’intimité de sa chambre, ouverte sur l’enfilade des autres pièces de sa calme demeure. Saisissant l’invite que nous adresse ce tableau, Gaëlle Josse nous entraîne à la rencontre de cette femme, dans le secret de son existence ordonnée de digne maîtresse de maison, comme il sied, en ce XVIIe siècle, à l’épouse de l’administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.
Malgré les capacités dont elle fait preuve très tôt aux côtés de son père dans l’administration de ses affaires, Magdalena n’est que la fille aînée d’une riche famille d’armateurs sans héritier mâle. C’est donc à son mari, Pieter van Beyeren, que revient la charge paternelle à la tête de la compagnie maritime, pendant que Magdalena se retrouve bien vite absorbée, au fil de ses couches successives, par la gestion domestique du foyer.
A cette époque, quand ce n’est pas la mère qui meurt en couches, il faut bien des naissances pour que la mortalité infantile laisse, rescapé de la douleur, quelque concret espoir de descendance. Bienheureuse Magdalena, qui, aujourd’hui, après tant d’épreuves et de deuils, en est à s’inquiéter du mariage de ses aînées et de l’éducation de ses trois autres enfants survivants, quand sa malheureuse sœur Judith connaît l’infortune d’être bréhaigne. Pourtant, à trente-six ans, après un ultime enfant mort-né qui a bien failli l’emporter dans la mort, il lui faut se plier au choix de son mari de cesser entre eux tout commerce conjugal, au nom d’une prévenance qui ne coûtera sans doute à cet homme que le prix de quelque courtisane, pour le raisonnable avantage de ne pas risquer de perdre une mère pour ses enfants et une conseillère précieuse pour ses affaires.
Pas plus qu’enfant Magdalena n’a jamais soufflé mot du terrible drame dont elle fut témoin et qui la ronge encore dans ses cauchemars, rappelant au passage combien incertaine et dangereuse la vie demeure, même au sein de ces habitations cossues, cette femme mûre avant l’âge n’a l’habitude, ni de s’épancher, ni de s’apitoyer sur son sort. C’est donc sur un ton égal et mesuré, en une parenthèse brièvement ouverte dans une existence affairée qui se hâtera de la rappeler à elle, qu’elle confie à quelques feuilles de papier que personne ne parcourra jamais, afin, écrit-elle, « de mettre de l’ordre dans mon cœur, et un peu de paix dans mon âme », les peines et les joies qui, en toute discrétion, ont jalonné sa vie de femme toujours maîtresse d’elle-même. Dans son dévouement aux siens et à la marche de sa maison, dans sa loyauté à un époux qui l’estime et la respecte avec la même équanimité un peu distante, enfin dans sa circonspection vis-à-vis de l’agitation du monde et des coups du sort de la fortune - un navire étant si vite perdu ou une cargaison si facilement gâtée, la peste ou le simple fait d’enfanter vous fauchant avec une telle facilité -, transparaissent les inquiétudes d’une femme consciente que son existence bourgeoise ne la garantit nullement de la fragilité de la vie, et que le bien-être de sa famille, tout comme l’avenir de ses enfants, nécessitent un investissement de tous les instants.
Ce premier roman de Gaëlle Josse révèle déjà une plume pleine de musicalité, de finesse et de sensibilité, capable de rendre vie en très peu de pages, à partir d’un tableau qui a traversé les siècles et sans aucun doute d’une certaine imprégnation de ce que l’on connaît du XVIIe siècle néerlandais, à une femme criante de vérité dans la moindre facette de sa personnalité, de ses émotions, de son expression écrite et de son contexte historique. Une narration passionnante, pour tous les amoureux de la peinture, de l’histoire, mais aussi, tout simplement, des textes inspirés et bien écrits, auxquels cette auteur nous a désormais accoutumés. Et une lecture qui, par hasard, entre tout à fait en résonance avec une autre ces derniers jours : Un regard bleu de Lenka Hornakova-Civade. (4/5)
Malgré les capacités dont elle fait preuve très tôt aux côtés de son père dans l’administration de ses affaires, Magdalena n’est que la fille aînée d’une riche famille d’armateurs sans héritier mâle. C’est donc à son mari, Pieter van Beyeren, que revient la charge paternelle à la tête de la compagnie maritime, pendant que Magdalena se retrouve bien vite absorbée, au fil de ses couches successives, par la gestion domestique du foyer.
A cette époque, quand ce n’est pas la mère qui meurt en couches, il faut bien des naissances pour que la mortalité infantile laisse, rescapé de la douleur, quelque concret espoir de descendance. Bienheureuse Magdalena, qui, aujourd’hui, après tant d’épreuves et de deuils, en est à s’inquiéter du mariage de ses aînées et de l’éducation de ses trois autres enfants survivants, quand sa malheureuse sœur Judith connaît l’infortune d’être bréhaigne. Pourtant, à trente-six ans, après un ultime enfant mort-né qui a bien failli l’emporter dans la mort, il lui faut se plier au choix de son mari de cesser entre eux tout commerce conjugal, au nom d’une prévenance qui ne coûtera sans doute à cet homme que le prix de quelque courtisane, pour le raisonnable avantage de ne pas risquer de perdre une mère pour ses enfants et une conseillère précieuse pour ses affaires.
Pas plus qu’enfant Magdalena n’a jamais soufflé mot du terrible drame dont elle fut témoin et qui la ronge encore dans ses cauchemars, rappelant au passage combien incertaine et dangereuse la vie demeure, même au sein de ces habitations cossues, cette femme mûre avant l’âge n’a l’habitude, ni de s’épancher, ni de s’apitoyer sur son sort. C’est donc sur un ton égal et mesuré, en une parenthèse brièvement ouverte dans une existence affairée qui se hâtera de la rappeler à elle, qu’elle confie à quelques feuilles de papier que personne ne parcourra jamais, afin, écrit-elle, « de mettre de l’ordre dans mon cœur, et un peu de paix dans mon âme », les peines et les joies qui, en toute discrétion, ont jalonné sa vie de femme toujours maîtresse d’elle-même. Dans son dévouement aux siens et à la marche de sa maison, dans sa loyauté à un époux qui l’estime et la respecte avec la même équanimité un peu distante, enfin dans sa circonspection vis-à-vis de l’agitation du monde et des coups du sort de la fortune - un navire étant si vite perdu ou une cargaison si facilement gâtée, la peste ou le simple fait d’enfanter vous fauchant avec une telle facilité -, transparaissent les inquiétudes d’une femme consciente que son existence bourgeoise ne la garantit nullement de la fragilité de la vie, et que le bien-être de sa famille, tout comme l’avenir de ses enfants, nécessitent un investissement de tous les instants.
Ce premier roman de Gaëlle Josse révèle déjà une plume pleine de musicalité, de finesse et de sensibilité, capable de rendre vie en très peu de pages, à partir d’un tableau qui a traversé les siècles et sans aucun doute d’une certaine imprégnation de ce que l’on connaît du XVIIe siècle néerlandais, à une femme criante de vérité dans la moindre facette de sa personnalité, de ses émotions, de son expression écrite et de son contexte historique. Une narration passionnante, pour tous les amoureux de la peinture, de l’histoire, mais aussi, tout simplement, des textes inspirés et bien écrits, auxquels cette auteur nous a désormais accoutumés. Et une lecture qui, par hasard, entre tout à fait en résonance avec une autre ces derniers jours : Un regard bleu de Lenka Hornakova-Civade. (4/5)
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