[Raffi] Le Fou

Titre: Le fou. Conséquences tragiques de la guerre russo-turque de 1877-1878 en Arménie
Auteur : Raffi ( Hakob Mélik Hakobian)
Editeur : Bleu autour
2007 (première édition en arménien 1880, sous forme de feuilleton)
381 pages
ISBN 978-2-9120-1959-2



Quatrième de couverture:

L'un des romans majeurs de Raffi, dont l'oeuvre est inédite en France. Une fresque épique qui, écrite en 1880, s'ouvre sur les massacres d'Arméniens perpétrés par les Turcs et les Kurdes en Anatolie durant la guerre russo-turque de 1877-1878.

Mais l'essentiel tient en un long retour sur la montée de l'oppression subie dans leur vie quotidienne par les Arméniens, dont Raffi décrit de l'intérieur les villages, les moeurs, les coutumes, la mentalité, les relations qu'ils entretiennent avec les autres populations d'Anatolie. Il le fait avec un rare sens de la mise en scène et de la progression dramatique, faisant vivre des personnages d'une étonnante épaisseur, tels ce "fou" de Vartan et sa bien-aimée Lala, le patriarche Khatcho, le machiavélique Thomas effendi ou le fougueux monsieur Doudoukdjian.

Mon avis:

Un très bon roman, à plus d'un titre. Tout d'abord, j'ai appris beaucoup de choses sur ces événements, antérieurs au fameux génocide, dont on a tous vaguement entendu parler mais dont on n'a pas forcément approfondi la connaissance. "Le Fou" permet donc de mieux appréhender la cohabitation de ces peuples que tout oppose. Outre la religion qui diffère, ce sont deux modes de vie, deux mentalités totalement différentes qui nous sont présentées. Les Turcs et les Kurdes apparaissent comme des populations conquérantes, dominatrices, âpres au gain, prêtes à tous les crimes pour obtenir ce qu'elles veulent. Au contraire, les Arméniens sont présentés comme honnêtes, travailleurs, mais surtout pacifistes et soumis. Ils acceptent toutes les humiliations sans se rebeller, s'en remettant à la justice divine. Seules quelques voix tentent de s'élever pour faire évoluer une situation qui ne cesse de se détériorer.

Mais ce roman est aussi une palpitante histoire d'amour et d'amitié. Actes d'héroïsme, don de soi pour la cause commune, petites mesquineries et grandes trahisons, tout est là pour nous happer et nous tenir en haleine, accrochés au destin de ces personnages hors du commun qui, chacun à son niveau, avec ce qu'il est et ce à quoi il croit, tente de donner un avenir à sa famille ou son pays.

Une bien agréable lecture, un coup de coeur que je vous recommande.

Petite citation à la gloire des femmes, juste pour le plaisir , pour ne pas oublier qu'il en va de même dans bien des civilisations :
Notre peuple est resté immobile parce que les femmes n'ont pas pris part aux affaires de la société. Sans leur contribution, une nation ne peut pas se moderniser. [...] Autant l'homme s'est avili sous l'influence turque, autant la femme a préservé sa pureté morale et mentale. Elle a souffert pendant des siècles, aliénée dans sa prison, mais cet enfermement a préservé son identité arménienne. [...] Très rares sont les hommes qui ont cette force de caractère. Elles seules ont préservé la langue arménienne. Elles l'ont transmise non seulement à leurs enfants mais également à des étrangers, comme les Kurdes qui travaillent dans leurs familles et parlent désormais l'Arménien. Avec la langue, les femmes nous ont transmis notre identité et notre patrimoine culturel. Taillez ce diamant brut qu'est la femme, et il brillera de mille éclats.

Merci pour cet avis Véronique.

Merci Sharon, je viens d'ajouter une citation...

Merci Véronique, je note ce roman qui va plaire ma fille très intéressée par le génocide arméniens, je lui prêterai .... si elle est sage ...