[Phillips, Arthur] La Tragédie d'Arthur
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[Phillips, Arthur] La Tragédie d'Arthur
Titre: La Tragédie d'Arthur
Auteur: Arthur Phillips
Genre: roman
Editeur: Le Cherche Midi
Nombre de pages: 624
ISBN: 978-2-7491-2354-7
Présentation de l'éditeur:
Un exceptionnel récit de manipulation par le nouvel enfant chéri des lettres américaines.
Arthur Phillips a eu un père plutôt encombrant. Faussaire et escroc de génie, celui-ci, entre deux séjours en prison, a néanmoins élevé son fils et sa fille Dana dans le culte de Shakespeare. Lorsque, à la veille de sa mort, il leur confie son plus précieux trésor, La Tragédie d'Arthur, pièce ultime et inédite du Barde, tous les doutes sont permis. Alors que les experts semblent, contre toute attente, pencher pour l'authenticité du texte et que Random House, son éditeur, pousse Arthur Phillips à publier La Tragédie, celui-ci reste persuadé qu'il s'agit là de la dernière des nombreuses facéties de son père. Il accepte néanmoins de la rendre publique, à la seule condition que La Tragédie soit accompagnée d'une longue introduction au lecteur, dans laquelle il reviendra en toute honnêteté sur la genèse de cette découverte sujette à caution. Mais, alors qu'il nous conte les aventures de sa famille d'excentriques et toutes les recherches passionnantes relatives à la pièce, le doute commence à poindre. Jusqu'à quel point les souvenirs d'Arthur Phillips sont-ils réels ? Peut-on vraiment lui faire confiance ? La vérité ne serait-elle pas ailleurs ?
Après L'Égyptologue, Angelica et Une simple mélodie, Arthur Phillips nous offre un roman ludique et passionnant en forme de trompe-l'oeil dans lequel le lecteur est invité à déceler entre les lignes une vérité inattendue. Magnifique méditation sur le vrai et le faux, la réalité et la fiction, l'authenticité en art comme dans les relations humaines, il nous entraîne ainsi dans un passionnant récit labyrinthique, véritable palais des glaces, où l'on se laisse guider et abuser avec le plus grand plaisir.
Résumé et avis:
D’abord, grand merci aux éditions du Cherche Midi pour cette découverte (bravo pour l’efficacité et la rapidité !).
Ensuite, signalons que, une fois n’est pas coutume, la 4ème de couverture résume fort bien l’histoire.
Venons-en enfin aux choses sérieuses (ou pas). Ce livre aurait pu être sous-titré « Petit traité de mystification autour d’un inédit de Shakespeare ».
Car la manipulation est au cœur de ce récit et se joue à plusieurs niveaux.
Pour commencer, le narrateur porte le même nom que l’auteur, Arthur Phillips, et partage avec lui certains éléments de biographie. Dès lors, on se demande déjà si c’est une autobiographie, ou un écran de fumée pour embrouiller le lecteur. Et puis, le récit se présente sous forme de Mémoires. Mais les souvenirs d’enfance du narrateur sont-ils fiables ?
Tentatives de manipulation du lecteur, donc, mais la principale victime semble bien être le narrateur lui-même : il se fera avoir tour à tour par son père, sa sœur jumelle, sa petite amie (la sienne ou celle de sa sœur, d’ailleurs ?), voire sa mère, peut-être même son éditeur. Oui mais…qui manipule qui, en réalité ? Et est-ce de la réalité ou de la fiction ?
Arthur Phillips (je parle du narrateur, pas de l’auteur, ni de son père (celui du narrateur, pas celui de l’auteur) qui s’appelle aussi Arthur Phillips – vous suivez ?), romancier américain, se voit confier par son père quasiment à l’agonie, une pièce inédite de Shakespeare, « La Tragédie d’Arthur ». Colossale aubaine artistique, éditoriale et financière, penserez-vous. Oui mais voilà, Monsieur Phillips-père a passé une grande partie de sa vie en prison, purgeant de nombreuses peines en tant qu’escroc et …faussaire. Arthur-le-fils doute donc automatiquement de l’authenticité de la pièce, comme il a toujours douté des sentiments de son père à son égard. Il exécute cependant la volonté de ce dernier et confie la pièce à son éditeur, qui enclenche le processus d’authentification, Arthur-fils se réservant le droit de publier une « introduction-vérité » à la Tragédie.
C’est là qu’il nous fait part de son histoire et de ses relations avec son père et avec Shakespeare. On apprend que ce dernier a considérablement influencé Arthur et Dana, sa jumelle. Leur père vouait en effet un culte à Shakespeare et a tenté de transmettre sa passion à ses enfants. S’il y réussit totalement avec Dana, il n’arrive qu’à en dégoûter Arthur. Oui mais…Arthur ne serait-il pas plutôt écœuré par la plus grande complicité entre sa sœur et son père, due à cet amour commun du Barde ? C’est un peu le même rapport amour-mépris-rancœur entre Arthur et son père qu’on retrouve entre Arthur et Shakespeare. Paradoxal quand on sait que c’est Arthur, et pas Dana, qui devient écrivain. Shakespeare, père spirituel d’Arthur-fils, au grand dam de celui-ci ? Curieux rapport de paternité quand on y pense, puisque c’est Arthur qui « mettra au monde » cette Tragédie en la publiant…
Ce livre m’a plu davantage pour sa forme que pour son contenu. Les questionnements et états d’âme du narrateur ne m’ont pas emballée, malgré quelques développements intéressants (voir plus loin). Par contre, la construction est épatante. Dans ce récit, les doutes surgissent de partout, c’est un jeu de miroirs étonnant de maîtrise. J’ai apprécié cette accumulation de trompe-l’œil, qui fait tourner la tête et perdre le sens de la logique et de l’orientation. Roman ambitieux et intelligent, on y trouve aussi quelques intéressantes variations sur les thèmes de l’authenticité (des œuvres et des sentiments), des relations filiales, et de la gémellité : « …je ne pouvais pas expliquer (…) pourquoi j’aimais Dana plus que toute personne que j’aie jamais connue, pourquoi je ne me sentais véritablement moi-même que quand j’étais avec elle. (…) Désirant à tout prix être unique et être joint à quelqu’un d’autre ; (…) désirant à tout prix être glorifié pour mon originalité et aimé pour ma similitude » (p.460).
Le narrateur (l’auteur ?) ne se prive pas non plus d’autodérision et d’ironie, et pose la question (avec un brin de mauvaise foi ?) de la valeur artistique d’une œuvre : « s’il n’y avait pas son nom dessus, la moitié de son œuvre serait huée hors de scène, rejetée par les critiques comme branlante et ne serait plus imprimée. Au lieu de ça, nous disons que c’est Shakespeare ; il doit faire quelque chose de profond que nous n’apprécions pas. (…) Car le maître ne peut pas avoir tort, par définition. Toutes les fautes que nous percevons sont chez nous, nous ses lecteurs fautifs » (p.193-194).
Mais au fait, Shakespeare ne serait-il pas l’ultime manipulateur ? Nous, simples mortels qui pensions disposer d’un libre-arbitre, ne serions-nous pas en définitive le fruit du culte voué depuis des siècles à ce génie dont nous avons si bien intégré l’œuvre que « nous sommes tous lentement mais sûrement devenus semblables à ses personnages. Nous pensons comme il nous a montré que les gens pouvaient penser. La vie est fidèle à son art, pas le contraire » (p232).
D’ailleurs, à ce stade, il faut bien admettre que la pièce est authentique, puisqu’elle a été publiée…Vertige, vous avez dit vertige ?
Pour terminer, je n’insisterai pas sur certains néologismes, bizarreries et lourdeurs de traduction, mais quand même : avunculairisant (j’ai appris quelque chose), gougne-carlin (??), gielgudée (de Gielgud, merci Wikipedia), retôt (contraire de retard, I guess ?), « il a fort bien pu être allé voir » (sic), Grèce ancienne (et pourquoi pas graisse antique ?), identicalité (ouf…). Bref, à lire en version originale si possible.
Invité- Invité
Re: [Phillips, Arthur] La Tragédie d'Arthur
Merci Viou pour ta critique
louloute- Grand sage du forum
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