[Orange, Tommy] Ici n'est plus ici
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[Orange, Tommy] Ici n'est plus ici
Titre : Ici n'est plus ici (There There)
Auteur : Tommy ORANGE
Traductrice : Stéphane ROQUES
Parution : 2018 en américain (Harvill Secker), 2019 en français (Albin Michel)
Pages : 352
Présentation de l'éditeur :
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, en cours de traduction dans plus d’une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Ici n'est plus a été consacré « Meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Né en 1982, Tommy Orange a grandi à Oakland, en Californie, mais ses racines sont en Oklahoma. Il appartient à la tribu des Cheyennes du Sud. Diplômé de l’Institute of American Indian Arts, où il a eu comme professeurs Sherman Alexie et Joseph Boyden, il a fait sensation sur la scène littéraire américaine avec ce premier roman.
Avis :
A Oakland, en Californie, doit avoir lieu un grand pow-wow, festival culturel communautaire qui rassemblera quantité d’Amérindiens venus de tous les Etats-Unis, pour, notamment, une compétition de danses traditionnelles. Parmi les organisateurs et participants, une douzaine de personnages ignorent que leurs destins seront bientôt liés : comme autant de mèches ou de traînées de poudre dispersées mais convergeant à leur insu vers une commune explosion finale, leurs histoires individuelles ouvrent le récit, semblant d’abord de petites nouvelles dont le fil rouge serait le mal-être identitaire qui condamne leurs protagonistes d’origine indienne à la marginalisation, à l’alcoolisme, à la toxicomanie ou à la délinquance, mais où on s’apercevra bientôt que ces derniers ont bien plus de points communs qu’ils ne pourraient l’imaginer eux-mêmes, sans parler de la tragédie qui les attend.
Après une percutante et bouleversante introduction sur l’ethnocide des Indiens d’Amérique et la gageure que représente le fait d’être Amérindien aujourd’hui, la première moitié du livre ressemble à une juxtaposition d’exemples, d’extraits de vie criants d’authenticité, qui, s’ils peuvent risquer de perdre un tantinet le lecteur qui devra faire preuve de patience pour comprendre où on l’emmène, font toucher du doigt un marasme accablant et sans espoir.
Puis, les fils de toutes ces histoires commencent à s’entremêler pour dessiner un motif encore plus effroyable, comme si la gangrène avait fini par se développer sur tant de blessures négligées, amorçant une véritable bombe à retardement dont le lecteur, atterré, ne pourra plus qu’attendre l’explosion.
J’ai trouvé dans cette lecture une très forte proximité avec l’auteur camerounaise Alexandra Miano, qui, dans Les aubes écarlates, explique l’emprise de la violence en Afrique subsaharienne par le pourrissement inconscient d’un sentiment confus de honte et de perte d’identité, entretenu par l’absence de reconnaissance explicite par la communauté internationale des torts causés par la traite négrière et la colonisation.
Curieusement, les guerres indiennes et les massacres des populations d’Amérique ne figurent pas à ce jour parmi les génocides officiellement recensés par l’Organisation des Nations Unies.
La non-reconnaissance de la violence est une autre violence aux effets d’autant plus terribles que, parce qu’ils sont plus souterrains, on ne s’aperçoit pas qu’ils empêchent toute reconstruction : « La plaie ouverte par les Blancs quand ils sont arrivés et ont pris ce qu’ils ont pris ne s’est jamais refermée. Une plaie non soignée s’infecte. Devient une plaie d’un type nouveau, de même que l’histoire de ce qui s’est réellement passé est devenue une histoire d’un nouveau type. Toutes ces histoires que nous n’avons pas racontées pendant si longtemps, que nous n’avons pas écoutées, font simplement partie de ce qu’il faut soigner. »
D’origine cheyenne, l’auteur sait de quoi il parle. Son discours dépasse toutefois largement la seule cause amérindienne : ce livre est un cri, un appel au droit d’exister, une incitation à oser enfin regarder la réalité en face de part et d’autre, à raconter le passé et les souffrances qui résultent encore aujourd’hui de toutes les colonisations, et qui font le lit actuel et futur d’explosions de violence incontrôlées et incontrôlables. Une lecture sombre et pas toujours facile, mais éloquente et admirablement menée, qui mérite qu’on s’y accroche et qui nous concerne tous. (3,5/5)
Dernière édition par Cannetille le Mar 9 Fév 2021 - 13:28, édité 1 fois
Re: [Orange, Tommy] Ici n'est plus ici
Ici n’est plus ici est un roman choral avec une flopée de personnages, en quête d’identité et d’appartenance, dont chaque pas les mène vers ce même pow-wow où leurs destins vont s’embraser.
Dans sa préface, Tommy Orange revient sur l’histoire des natifs d’Amérique, de massacres commis, en dépouillement, de déplacement de population en spoliation.
«Il ne faut jamais s’abstenir de raconter notre histoire, et personne n’est trop jeune pour l’entendre. Nous sommes tous là à cause d’un mensonge. Le monde est fait d’histoires et de rien d’autre.»
Son roman est directement inspiré de la vie actuelle des Amérindiens d’Oakland, l’auteur dénonce la violence, l’alcool, et le mal être général de cette population.
Ici n’est plus ici est un formidable cri contre une injustice qui accable encore aujourd’hui.
Dans sa préface, Tommy Orange revient sur l’histoire des natifs d’Amérique, de massacres commis, en dépouillement, de déplacement de population en spoliation.
«Il ne faut jamais s’abstenir de raconter notre histoire, et personne n’est trop jeune pour l’entendre. Nous sommes tous là à cause d’un mensonge. Le monde est fait d’histoires et de rien d’autre.»
Son roman est directement inspiré de la vie actuelle des Amérindiens d’Oakland, l’auteur dénonce la violence, l’alcool, et le mal être général de cette population.
Ici n’est plus ici est un formidable cri contre une injustice qui accable encore aujourd’hui.
lili78- Grand sage du forum
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Re: [Orange, Tommy] Ici n'est plus ici
Livre qui nous informe sur ce que les Indiens d'Amérique ont subi .
Invité- Invité
Re: [Orange, Tommy] Ici n'est plus ici
Mon avis
« Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout et nulle part. »
Tommy Orange est écrivain américain arapaho et cheyenne. Dans son roman choral « Ici n’est plus ici », il donne la parole à une douzaine de personnages. D’abord sans lien apparent, on suit les uns et les autres. Leurs voix nous transmettent la détresse de ceux qui souffrent d’une perte de repères : alcoolisme, chômage, dépression…. Ils ne trouvent plus leurs racines et les cherchent.
Est-ce pour cela qu’ils convergent vers le pow-wow ? Ce rassemblement convivial qui répond sans aucun doute à un besoin identitaire. On y retrouve la famille, les amis. On célèbre la tradition, on fait vivre l’héritage culturel à travers des chants et des danses afin de ne pas oublier. C’est un lieu où on se rencontre, on se parle, on échange. Le costume traditionnel est de rigueur, on répète les chorégraphies. Il est important de s’affirmer.
Mais avant ces retrouvailles, chacun va s’exprimer, soit en disant « je », soit par l’intermédiaire d’un narrateur. Chacun va partager sa souffrance, ses doutes, ses peurs, ses silences, l’histoire de sa famille avec tout ce que cela entraîne lorsque le passé est déjà lourd à porter pour les jeunes générations. Il n’est pas facile d’avoir une place lorsqu’on naît avec « l’étiquette indien » en Amérique. On appartient à une minorité, une de celles qui peut être méprisée, mal aimée, mal comprise, mal respectée. Une de celles qui n’est pas « reconnue ». Les protagonistes sont souvent en quête de reconnaissance, essayant de changer leur quotidien pour aller vers un mieux mais bien souvent rattrapés par leurs mauvais démons ou de sombres fréquentations.
Ce recueil est un cri de détresse, où les laissés pour compte choisissent de ne pas se taire et de tout faire pour exister, avancer et vivre…. Avec les différents points de vue des protagonistes, on revisite une partie de l’Histoire. « Les gens sont emmurés dans l'Histoire, et l'Histoire est emmurée en eux. »
On entend la rage qui les habite, on frisonne, on tremble devant cet avenir qui se dessine noir, si noir…
L’écriture de l’auteur est puissante. Quelle que soit la personne qui se confie, il a su adapter phrasé, rythme et vocabulaire (merci au traducteur, je n’ai pas ressenti de fausse note). Il transmet un message fort et le fait de fort belle manière.
J’ai, depuis toujours, une tendresse particulière pour les indiens. J’aime à les retrouver dans des récits. Cet opus ne fera pas exception. Il vivra longtemps en moi car il secoue, il pose des mots sur la détresse humaine, sur ceux qui refusent d’être oubliés et de disparaître. Merci Tommy Orange !
« Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout et nulle part. »
Tommy Orange est écrivain américain arapaho et cheyenne. Dans son roman choral « Ici n’est plus ici », il donne la parole à une douzaine de personnages. D’abord sans lien apparent, on suit les uns et les autres. Leurs voix nous transmettent la détresse de ceux qui souffrent d’une perte de repères : alcoolisme, chômage, dépression…. Ils ne trouvent plus leurs racines et les cherchent.
Est-ce pour cela qu’ils convergent vers le pow-wow ? Ce rassemblement convivial qui répond sans aucun doute à un besoin identitaire. On y retrouve la famille, les amis. On célèbre la tradition, on fait vivre l’héritage culturel à travers des chants et des danses afin de ne pas oublier. C’est un lieu où on se rencontre, on se parle, on échange. Le costume traditionnel est de rigueur, on répète les chorégraphies. Il est important de s’affirmer.
Mais avant ces retrouvailles, chacun va s’exprimer, soit en disant « je », soit par l’intermédiaire d’un narrateur. Chacun va partager sa souffrance, ses doutes, ses peurs, ses silences, l’histoire de sa famille avec tout ce que cela entraîne lorsque le passé est déjà lourd à porter pour les jeunes générations. Il n’est pas facile d’avoir une place lorsqu’on naît avec « l’étiquette indien » en Amérique. On appartient à une minorité, une de celles qui peut être méprisée, mal aimée, mal comprise, mal respectée. Une de celles qui n’est pas « reconnue ». Les protagonistes sont souvent en quête de reconnaissance, essayant de changer leur quotidien pour aller vers un mieux mais bien souvent rattrapés par leurs mauvais démons ou de sombres fréquentations.
Ce recueil est un cri de détresse, où les laissés pour compte choisissent de ne pas se taire et de tout faire pour exister, avancer et vivre…. Avec les différents points de vue des protagonistes, on revisite une partie de l’Histoire. « Les gens sont emmurés dans l'Histoire, et l'Histoire est emmurée en eux. »
On entend la rage qui les habite, on frisonne, on tremble devant cet avenir qui se dessine noir, si noir…
L’écriture de l’auteur est puissante. Quelle que soit la personne qui se confie, il a su adapter phrasé, rythme et vocabulaire (merci au traducteur, je n’ai pas ressenti de fausse note). Il transmet un message fort et le fait de fort belle manière.
J’ai, depuis toujours, une tendresse particulière pour les indiens. J’aime à les retrouver dans des récits. Cet opus ne fera pas exception. Il vivra longtemps en moi car il secoue, il pose des mots sur la détresse humaine, sur ceux qui refusent d’être oubliés et de disparaître. Merci Tommy Orange !
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Cassiopée- Admin
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Genre littéraire préféré : un peu tout
Date d'inscription : 17/04/2009
Re: [Orange, Tommy] Ici n'est plus ici
Entre quête d'identité, de reconnaissance, d'appartenance et envie d'un avenir meilleur.
Récit poignant, bouleversant et néanmoins tourné vers demain. Certes, on ne peut effacer le passé mais on peut le traduire en force et cohésion...
Récit poignant, bouleversant et néanmoins tourné vers demain. Certes, on ne peut effacer le passé mais on peut le traduire en force et cohésion...
Véronique M.- Grand sage du forum
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