[Hamelin, Louis] Les crépuscules de la Yellowstone
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[Hamelin, Louis] Les crépuscules de la Yellowstone
Titre : Les crépuscules de la Yellowstone
Auteur : Louis HAMELIN
Editeur : Les Editions du Boréal
Année de parution : 2020
Pages : 376
Présentation de l'éditeur :
Printemps 1843. John James Audubon, le célèbre naturaliste, remonte le Missouri à bord du vapeur Omega. À l’approche de la vieillesse, il veut recueillir le plus grand nombre de spécimens possible pour terminer son livre sur les quadrupèdes vivipares de l’Amérique du Nord.
Il a engagé pour guide Étienne Provost, né à Chambly, le plus fameux des coureurs de bois et l’irremplaçable interprète, car tout ce pan de continent, qui va de la Nouvelle-Espagne aux Grands Lacs, est encore le royaume des Indiens et des trappeurs canadiens et métis. Et, surtout, Provost est un coup de fusil infaillible. N’est-il pas le seul à pouvoir procurer à Audubon les animaux qu’il veut dessiner, morts, il va sans dire ?
Pendant que nous suivons Audubon et ses comparses qui, depuis le pont supérieur de l’Omega, tirent au nom de la science sur tout ce qui bouge, sur terre, dans l’air et dans l’eau, le romancier se lance lui aussi dans sa propre aventure. Il se rend à Fort Union, au Dakota du Nord, le point culminant du périple de son modèle. Bien sûr, l’avion a remplacé le navire à vapeur, et c’est le pétrole qui, un siècle et demi plus tard, sert de prétexte au saccage de la nature et des territoires indiens. C’est là qu’il prendra la mesure du pouvoir destructeur du temps, qui a fait de nous, humains, une espèce tout aussi menacée que celles qu’Audubon a voulu immortaliser dans ses livres.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Né à Grand-Mère en 1959, Louis Hamelin poursuit des études à l’Université McGill où il obtient un baccalauréat en sciences de l’agriculture en 1983. Il obtient ensuite une maîtrise en études littéraires à l’UQAM en 1990. C’est à partir de ce moment qu’il se consacre à l’écriture. En 1989, Louis Hamelin se voit décerner le Prix du Gouverneur général pour son premier roman, intitulé La Rage.
Chroniqueur littéraire au Devoir et à Ici Montréal, ses textes sont publiés en 1999 aux Éditions du Boréal, sous le titre Le Voyage en pot.
Depuis le début des années 1990, il a collaboré à une quinzaine de journaux et de revues, participé à de nombreuses rencontres, événements culturels et lectures publiques, tout en publiant neuf livres. Critiques et public s’accordent aujourd’hui pour dire que Louis Hamelin occupe une place de choix dans l’univers littéraire québécois.
La Constellation du lynx a reçu le prix des libraires du Québec 2011 et le prix littéraire des collégiens 2011.
Avis :
Fasciné depuis l’enfance par les planches des ouvrages animaliers anciens, l’auteur a décidé de retracer la dernière expédition du grand naturaliste franco-américain Jean-Jacques Audubon : parti de Saint-Louis en 1843 avec pour guide le célèbre trappeur québécois Etienne Provost, le peintre ornithologue s’était lancé dans deux mille kilomètres de remontée du Missouri en bateau à aube, jusqu’à Fort Union qui, pendant quelques mois, lui servit de camp de base pour une gigantesque partie de chasse aux allures de massacre. Cent-soixante-quinze ans plus tard, alors qu’il nous relate cette aventure survenue dans des espaces alors encore préservés, Louis Hamelin entreprend lui aussi, mais en avion, le voyage jusque dans le haut Missouri : si les derricks de l’exploitation du pétrole de schiste ont remplacé les bisons, c’est toujours la même gloutonnerie humaine qui continue à dévaster ces terres…
L’aventure est au rendez-vous de ce récit, puisque remonter le Missouri à l’époque n’est pas une sinécure et qu’avec tous ses dangers, c’est une terre quasi inconnue qui s’ouvre aux visiteurs non-Amérindiens. L’Histoire que nous relate avec authenticité Louis Hamelin ne prête toutefois guère à rêver, car qui dit naturaliste au XIXe siècle ne doit pas penser ami de la faune et de son habitat, mais plutôt touriste bâfreur lâché sur le buffet des desserts : tout ce petit monde débarque en ce qui ressemble à une terre d’Eden tant les espèces y pullulent, pour y faire main basse et tuer sans vergogne, dans un répugnant carnage le plus souvent gratuit :
Et les coups de feu qui visaient tous ces oiseaux étaient encore plus nombreux. Presque constamment environné d’un essaim de balles et de petits plombs, le vapeur était une forteresse flottante assiégée par la vie sauvage, pareille à un gros ruminant s’avançant sur le fleuve au milieu d’un nuage de moustiques. Le capitaine Sire avait raison : on se serait cru à Fort Alamo.
Nul n’a alors en tête qu’aucun puits n’est sans fond et qu’à force de jouer à la nuée de sauterelles, plus grand chose ne subsistera bientôt, ni des lieux - mises à part quelques zones protégées -, ni de leurs populations autochtones, hommes ou bêtes.
Tout le monde connaît le fameux proverbe navajo, peut-être apocryphe, qui dit que nos actes doivent être évalués à l’aune des sept prochaines générations. Ça correspondait à peu près au temps écoulé depuis la dernière expédition d’Audubon. Le legs de sa génération, je l’avais sous les yeux.
Le constat est aussi amer qu’à frémir pour l’auteur qui revient sur les lieux moins de deux siècles plus tard : la grande prairie d’Audubon n’est plus qu’un lointain souvenir, remplacé par un décor d’enfer né de l’exploitation des schistes bitumeux. Pourtant désormais conscient des désastres et des destructions déjà irréversiblement commis, l’homme poursuit en connaissance de cause son grignotage de termite à l’encontre de la planète, gageant l’environnement et l’avenir de sa propre espèce contre une poignée de dollars, comme Faust avait vendu son âme au diable.
Epoustouflant récit d’une aventure historique qui fit partie de la conquête de l’Ouest américain, ce livre doux-amer, qui vient superbement rejoindre les rangs du nature-writing, est aussi une saisissante mise en perspective des radicaux impacts environnementaux de la cupidité humaine. Coup de coeur. (5/5)
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