[Appelfeld, Aharon] Tsili
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[Appelfeld, Aharon] Tsili
Tsili
Aharon Appelfeld
Traduit de l'hébreu
Points (1983 ; traduction 2015)
151 pages
ISBN : 978-2-7578-5328-3
Aharon Appelfeld
Traduit de l'hébreu
Points (1983 ; traduction 2015)
151 pages
ISBN : 978-2-7578-5328-3
Résumé de couverture :
1942. Tsili Kraus a douze ans et vit dans un petit village d'Europe centrale. Quand la haine anti-juive éclate au grand jour, tous s'enfuient, laissant Tsili seule pour garder la maison. Et personne ne revient. Tsili doit lutter pour survivre. Elle se nourrit de fruits sauvages, vole, mendie, jusqu'à ce qu'elle rencontre Marek, évadé d'un camp, et qui se cache lui aussi.
Mon avis :
Ce roman est le deuxième que je lis d'Aharon Appelfeld. Il se trouve que cette assez brève narration reprend d'une certaine manière sa propre histoire, on pourrait dire qu'elle en constitue une variante. J'ai trouvé Histoire d'une vie, son autobiographie, beaucoup plus aboutie, il l'a écrite 21 ans plus tard aussi.
Tsili, l'héroïne de ce roman, est mal partie dans la vie : elle a grandi sans aucune attention, un peu comme un objet abandonné dans la cour. Son père est malade et alité, sa mère est épuisée par le travail et les corvées, ses frères et soeurs tentent de réussir leurs études et de passer des examens - Tsili, elle, n'a jamais réussi à apprendre à l'école. Seul un vieux maître de religion lui a appris à domicile des prières, et a lu avec elle. Sa famille est juive, et dès que la guerre éclate, tout le monde fuit, laissant la maison à Tsili, qui reste seule.
La fillette quitte la demeure familiale, emportant peu de souvenirs, et rôde dans la forêt, ne revenant au village que pour troquer de quoi manger, et se faisant passer pour "la fille de Maria", une prostituée.
Elle est recueillie à plusieurs reprises, ce qui lui assure le gîte et le couvert durant les mois les plus difficiles de l'hiver, mais ne lui épargne pas de mauvais traitements, de manière systématique. La vie est rude pour une jeune fille, mais Tsili est forte et résiliente, elle va de l'avant.
Durant quelque temps, elle partagera la vie de Marek, un autre Juif, un homme adulte, évadé d'un camp. Elle apprend auprès de lui à communiquer, sa sauvagerie reflue un peu. La fin de la guerre apportera d'autres aventures, et marquera le retour des rescapés, les départs en bateau pour Israël...
J'ai suivi sans aucune peine, et avec plaisir, le parcours de Tsili, baignée dans cette ambiance slave, avec les paysages des forêts du Nord, des villages aux maisons de bois, de la vie reculée de ces paysans. Le personnage de Tsili est à la fois fort et déroutant, tant elle paraît résignée, parfois indifférente, et en même temps vibrante d'une force brute, sauvage, libre. La jeune fille est à la fois entravée par des conditions de vie difficiles, un manque d'éducation, et à la fois curieuse, instinctive ; elle est plombée par sa condition de jeune Juive qui doit se cacher, mais elle a aussi de la chance dans ses rencontres, avec des personnes qui veilleront sur elle dans les moments critiques.
Et puis, surtout, l'écriture d'Aharon Appelfeld... Ici, les phrases sont ciselées, épurées jusqu'à la moelle. Le lecteur suit les pensées de Tsili, sans avoir beaucoup d'avance sur elle. Ce récit de survie, d'exode, se suit dans un sentiment d'urgence, de vitalité inquiète, et souvent on ressent le bonheur immédiat, sans lendemain, des sensations du corps enfin satisfait, lorsque la faim est pour un temps apaisée, que l'eau fraîche des rivières peut laver ce qui fatigue et salit. Il s'agit d'une oeuvre de jeunesse, qui déjà porte les germes du talent de l'auteur, un écrivain devenu classique.
Tsili a été adapté en film (la couverture en est un photogramme) par Amos Gitai en 2013.
Extraits :
"Pour la première fois, elle se trouvait plongée dans la nuit. Quand elle était bébé, on fermait les volets très tôt ; plus grande, elle n'avait pas la permission de sortir dans l'obscurité. C'étaient les premières ténèbres que palpaient ses mains.
Elle sortit de la cabane et tourna à droite, vers les champs. Le ciel s'éleva au-dessus d'elle d'un seul coup. Les tiges de maïs la dominaient. Elle marcha longtemps sans tourner la tête. Puis elle fit des pauses pour écouter le bruissement des feuilles. Le vent était léger et la fraîche obscurité atténuait sa soif." (page 14)
"L'automne maussade se prolongeait, dans ces plaines lassantes tout semblait n'être que boue et brouillard. Même les gens paraissaient en être formés : rudes, silencieux, ils n'avaient d'autre langue que la fourche et l'aiguillon." (page 47)
"L'été les surprit, chaud, généreux, insufflant le désir de vivre. Les sentiers convergeaient vers les gorges verdoyantes, bordées de grands arbres. Les réfugiés affluaient de toutes parts et le spectacle évoquait des vacances d'été, des mouvements de jeunesse, un repos saisonnier, toutes sortes de plaisirs de jeunesse oubliés. Aussitôt, des mots de l'ancien vocabulaire refirent surface. Seuls, les vêtements continuaient à dégager de la vapeur, comme un opprobre éternel." (page 133)
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