[Bouillier, Grégoire] Le coeur ne cède pas
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[Bouillier, Grégoire] Le coeur ne cède pas
Titre : Le coeur ne cède pas
Auteur : Grégoire BOUILLIER
Parution : 2022 (Flammarion)
Pages : 912
Présentation de l'éditeur :
Août 1985. À Paris, une femme s’est laissée mourir de faim chez elle pendant quarante-cinq jours en tenant le journal de son agonie. Son cadavre n’a été découvert que dix mois plus tard. À l’époque, Grégoire Bouillier entend ce fait divers à la radio. Et plus jamais ne l’oublie. Or, en 2018, le hasard le met sur la piste de cette femme. Qui était-elle ? Pourquoi avoir écrit son agonie ? Comment un être humain peut-il s’infliger – ou infliger au monde – une telle punition ?
Se transformant en détective privé assisté de la fidèle (et joyeuse) Penny, l’auteur se lance alors dans une folle enquête pour reconstituer la vie de cette femme qui fut mannequin dans les années 50 : à partir des archives et de sa généalogie, de son enfance dans le Paris des années 20 à son mariage pendant l’Occupation… Un grand voyage dans le temps et l’espace. Sont même convoqués le cinéma et les sciences occultes, afin d’élucider ce fait divers. « Élucider voulant dire non pas faire toute la lumière sur le drame mais clarifier les termes mêmes de sa noirceur. »
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Grégoire Bouillier est né en 1960. Il est l’auteur de Rapport sur moi (Allia, prix de Flore 2002), L’Invité mystère, Cap Canaveral (Allia 2004 2008) et du Dossier M, Livre 1 et 2 (Flammarion 2017 et 2018 prix Décembre) tous très remarqués par la critique.
Avis :
Grégoire Bouillier n’a jamais pu oublier ce fait divers entendu à la radio en 1985 : on avait découvert, chez elle, dix mois après sa mort, le cadavre d’une femme qui s’était laissée mourir de faim en tenant le journal de son agonie. Aussi, lorsque le hasard d’une rencontre, trente-trois ans plus tard, fait ressurgir cette histoire dans sa vie, le voilà qui, plus que jamais intrigué par ce suicide si particulier et, surtout, par cette étrange application à en décrire chaque étape, s’adjoint deux doubles de fiction, le détective privé Baltimore et sa pétulante assistante Penny, pour tenter de retracer le parcours de celle dont on a juste retenu qu’elle fut mannequin dans les années cinquante, avant d’attribuer sa mort à un scandaleux drame de la solitude.
A vrai dire, les traces laissées par Marcelle Pichon sont des plus ténues et, faute d’éléments franchement tangibles, l’auteur qui, lui, nous ouvre les carnets, non pas de quarante-cinq jours d’agonie, mais de plus de trois ans d’enquête, opère par larges cercles concentriques, rassemblant les maigres indices, imaginant, à partir de ce qu’il reconstitue de leur contexte et de la généalogie de la famille, ce qu’ont pu être l’enfance de Marcelle à Paris dans les années vingt et sa jeunesse pendant l’Occupation, faisant feu de tout bois, de l’exploration d’archives en tout genre à l’enquête de terrain, de vieilles photographies à la morphopsychologie, de références littéraires et cinématographiques à l’astrologie et au tarot divinatoire, pour former mille hypothèses sur sa personnalité.
Relatée en près de mille pages avec autant de verve que d’humour, c’est bientôt cette quête, immense, minutieuse, obsessionnelle, qui devient le vrai sujet du roman et, de manière de plus en plus évidente, le bac révélateur où se dévoile lentement, telle une photographie argentique, une part très personnelle de l’auteur. « On ne se doute pas de ce que font les livres à ceux qui les écrivent. » Et, avant de les avoir achevés, les auteurs ne savent sans doute pas non plus toujours pourquoi ils les écrivent, d’où leur vient cette obsession à creuser follement certains sujets. « Depuis le début, il ne s’agissait que d’une chose : transformer l’impossible désir de savoir qui était Marcelle Pichon en possible désir d’écrire sur elle. » Un désir au final révélateur de mystères enfouis au plus profond de l’intimité de Grégoire Bouillier.
« Récit absolument subjectif » d’une « enquête absolument scrupuleuse », chasse au trésor qui en cache un autre, miroir de moins en moins embué des propres obsessions de l’auteur, ce livre, aussi épais que riche et passionnant, est autant l’exploration intelligente et inventive d’un mystérieux fait divers que de ce que ses échos chez l’auteur révèlent de lui-même et à lui-même. Le tout s’assortissant d’une composition habile et rythmée, agréablement pimentée d’un humour savoureux, c’est le coup de coeur assuré pour ce roman dont, après tant de pages, l’on regrette pourtant d’en être déjà parvenu à la dernière. (5/5)
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