[Murat, Laure] Proust, roman familial
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![[Murat, Laure] Proust, roman familial Proust10](https://i.servimg.com/u/f17/19/91/53/59/proust10.jpg)
Titre : Proust, roman familial
Auteur : Laure MURAT
Parution : 2023 (Robert Laffont)
Pages : 256
Présentation de l'éditeur :
Toute mon adolescence, j'ai entendu parler des personnages d'À la recherche du temps perdu, persuadée qu'ils étaient des cousins que je n'avais pas encore rencontrés. À la maison, les répliques de Charlus, les vacheries de la duchesse de Guermantes se confondaient avec les bons mots entendus à table, sans solution de continuité entre fiction et réalité. Car le monde révolu où j'ai grandi était encore celui de Proust, qui avait connu mes arrière-grands-parents, dont les noms figurent dans son roman.
J'ai fini, vers l'âge de vingt ans, par lire la Recherche. Et là, ma vie à changé. Proust savait mieux que moi ce que je traversais. il me montrait à quel point l'aristocratie est un univers de formes vides. Avant même ma rupture avec ma propre famille, il m'offrait une méditation sur l'exil intérieur vécu par celles et ceux qui s'écartent des normes sociales et sexuelles.
Proust ne m'a pas seulement décillée sur mon milieu d'origine. Il m'a constituée comme sujet, lectrice active de ma propre vie, en me révélant le pouvoir d'émancipation de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec le Temps.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Historienne, écrivaine, professeure de littérature à l’Université de Californie à Los Angeles, Laure Murat est l’autrice, entre autres, de La Maison du docteur Blanche, prix Goncourt de la biographie (Lattès, 2001), Une révolution sexuelle ? (Stock, 2018), et Qui annule quoi ? (Seuil, 2022). Elle écrit depuis des années sur l’œuvre de Marcel Proust et a contribué aux catalogues des expositions du musée Carnavalet et de la Bibliothèque nationale de France en 2022.
Avis :
Née princesse Murat, du croisement de la noblesse d’empire – le maréchal Murat fut nommé roi de Naples par son beau-frère Napoléon – et de la noblesse d’Ancien Régime – le duc de Luynes compta parmi les favoris de Louis XIII –, l’auteur fut contrainte à ses vingt ans de rompre avec sa famille et l’étroitesse de ses codes aristocratiques pour vivre son homosexualité au grand jour. Aujourd’hui enseignante universitaire en Californie, connue pour ses essais et biographies sur la psychiatrie, la littérature et le troisième sexe, et plus particulièrement pour ses multiples études consacrées à Marcel Proust, elle passe pour la première fois à l’écriture autobiographique, le regard finement critique de « ce petit journaliste », que sa grand-mère plaçait avec condescendance en bout de table, l’amenant à passer au crible sa vie, sa famille et ce « monde de formes vides » qu’est l’aristocratie française.
« Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages de la Recherche, persuadée qu’ils étaient des oncles ou des cousines que je n’avais pas encore rencontrés. » Proust procédant par insertion de noms inventés à l’intérieur de vraies généalogies, Laure Murat se retrouve en effet des ancêtres communs avec le duc et la duchesse de Guermantes. Par un effet miroir proprement saisissant, la voilà qui découvre, dans cette œuvre qui n’a pas fini de la fasciner, tout ce qu’elle a toujours vécu d’expérience sans jamais en avoir clairement conscience. La lecture de Proust est une révélation. Elle lui ouvre les yeux sur la vanité d’un monde en perpétuelle représentation, « un théâtre qui ne ferme jamais », tout entier consacré à la mise en scène de sa distinction. En vérité, l’aristocratie n’a plus comme preuve de son statut d’élite que la seule forme creuse modelée par un corset de codes et de normes.
Tenir son rang en est le maître-mot, et l’affection se devant d’être « désincarnée, toujours distante » pour une dignité et des apparences toujours sauves, cela donne des scènes, parfois drôles, souvent d’une confondante cruauté. « ‘’On ne pleure pas comme une domestique’’, répétait mon arrière-grand-mère, que la haine de l’effusion avait poussée à donner un bal à la mort d’un de ses fils. » « ‘’Avec les enfants, chérie, il faut être in-di-ffé-rent, c’est cela, le secret. In-di-ffé-rent’’, avait recommandé ma mère de sa voix douce à ma sœur, qui lui demandait un jour conseil à propos de l’éducation de sa fille aînée. » Et comme il n’y a pas pire que de briser le code, l’auteur qui, à vingt ans, prétend sortir son homosexualité du placard, s’attire d’office une éviction violente. « ‘’Tu incarnes à mes yeux l’échec de toute une éducation morale et spirituelle’’, et : « ‘’Pour moi, tu es une fille perdue.‘’ Je l’ai vue pleurer pour la première fois. C’est cela, surtout, que ma famille m’a le plus reproché : tu as fait pleurer ta mère en public. Comme une domestique. »
Loin de l’évocation plaintive ou revancharde d’un monde fermé qui l’a exclue, le récit de Laure Murat, assis sur une lecture éblouissante de l’oeuvre de Proust, impressionne par l’intelligence et l’acuité de ses analyses. Sa narration est celle d’un choc littéraire, aboutissant à une compréhension de sa propre vie et à une libération. « Proust (…) élaborait sous mes yeux le mode d’emploi des créatures que nous étions. Il mettait en mots et en paragraphes intelligibles ce qui se mouvait sous mes yeux depuis que j’étais née. » « Ma lecture de la Recherche m’a délivrée des faux-semblants attachés à l’aristocratie de mes origines, m’a instaurée en tant que sujet (…) et, plus que tout, m’a ouverte au réel. »
Elle l’a aussi instituée universitaire, pour la grande chance de ses étudiants, mais aussi de ses lecteurs, qui apprécieront la clarté de sa démonstration en même temps que la qualité de sa plume. Dire que Gallimard avait refusé le manuscrit de Du côté de chez Swann en l’assortissant de ce commentaire lapidaire : « Trop de duchesses ! » A vrai dire, si elle bénéficie d’une « glose exponentielle », avec seulement quelque 5000 nouveaux lecteurs chaque année, l’oeuvre proustienne reste finalement très peu lue. « Plébiscité, encensé, revendiqué comme le plus grand écrivain du XXe siècle, Proust subit le sort des artistes fétichisés, dont la reconnaissance et le prestige sont inversement proportionnels au succès commercial. » Avec une avocate telle que Laure Murat, justice lui est passionnément rendue. (4/5)
Re: [Murat, Laure] Proust, roman familial
Merci ton avis
j'hésite à l'acheter depuis la rentrée littéraire mais je crois que j' hésite de moins en moins haha

Elo- Grand sage du forum
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