[Lefèvre, Thierry] Attaques nocturnes

Paris, janvier 1867. Deux assassinats sans lien apparent sont perpétrés à peu de temps d'intervalle à proximité des abattoirs. L'une des victimes issue d'une famille de banquiers bien connue est retrouvée avec une lame dans la poitrine, la seconde est un boucher tué frappé à l'aide d'un os de mouton.
Victor Hyvert, journaliste à L'Aube de Paris est chargé d'enquêter sur ces crimes. Pour l'aider dans ses investigations, son patron, Jean-Eustache Delveil, lui confie Jules Mercoeur, 14 ans, nouvellement recruté. Ce duo bancal entre un chroniqueur de théâtre et un gamin parisien va devoir tout d'abord s'apprivoiser. Or, la confiance est un domaine où ni l'un, ni l'autre n'excelle . Jules et Victor ont pourtant peu de temps pour parvenir à un résultat. Les meurtres s'accélèrent et ils se sont malheureusement faits remarquer dès le début de leur enquête par Sang-de-Fer, l'instigateur probable de ces tueries. Ils risquent donc à tout moment de se retrouver eux aussi entre les mains de Martin Noël, le croque-mort...

Roman foisonnant que celui-ci !
Thierry Lefèvre nous y ballade dans un Paris révolu mais ici bien vivant. Chaque rue est nommée, les détails scéniques sont bien posés, ce qui permet au lecteur de s'immerger complètement dans cette ambiance fin de siècle des quartiers pauvres de Paris.
Dubitative à la lecture de la première page, j'ai très vite changé d'avis et me suis laissée happée avec plaisir par le récit. Le contexte historique est admirablement bien intégré, distillé dans le lexique utilisé par l'auteur, dans les conversations des protagonistes, dans les descriptions -importantes mais jamais lourdes ou malvenues-.
N'étant pas une spécialiste de cette époque et encore moins de Paris, je m'en remets à l'auteur pour la justesse de ses propos. D'autant plus que l'intrigue et les personnages sont à la hauteur du paysage.
En effet, l'intrigue se tient parfaitement. Le lecteur, parallèlement à Jules et Victor qui ignorent à peu près tout l'un de l'autre, ne voie pas de prime abord où ces meurtres vont le mener. L'écheveau se dénoue petit à petit, très progressivement, jusqu'à l'explosion finale. Une construction classique très efficace : bien malin celui qui pourra donner la solution avant le dénouement !
Le suspense s'enrichit encore des secrets dont sont porteurs les deux personnages principaux auxquels on s'attache très vite et qui, à l'instar d'un Holmes et Watson, auraient tout à gagner à devenir récurrents...Si celui de Victor et de sa besace, perturbant l'action, se devine et s'éclaircit très vite, celui de Jules, étroitement lié à l'intrigue est bien plus sombre et ne sera dévoilé qu'à la fin du récit.
Ce roman est en parfait équilibre entre la qualité du paysage historique, géographique et sociologique, la qualité des personnages et celle de l'intrigue. Un très bon moment donc (assez court) pour les amateurs de polars, historiques ou non avec une ambiance à la Vargas (mais fin de siècle).
A noter également que cet ouvrage est parsemé de références littéraires, ce qui ne peut que lui donner un attrait supplémentaire ...