[Sand, George] La mare au diable

On retrouve dans cette œuvre le romantisme de Georges Sand, cette obstination, parfois agaçante car peu réaliste, à dépeindre la perfection incarnée dans l’homme ou la femme du peuple : Germain, bel homme encore jeune mais déjà raisonnable, intègre, généreux ; Marie, fraîche jeune fille très «comme il faut» malgré sa pauvreté, humble et pudique, économe et habile aux tâches ménagères ; leurs parents et amis, d’abord respectueux des convenances mais qui s’inclinent rapidement devant leur chaste bonheur. Par contraste, «à la ville», les paysans sont rusés, cupides, débauchés.
Même si l’intention de l’auteur, clairement exprimée dans la Notice, est de sortir des caricatures de l’époque - le paysan abruti qui bat sa femme et cache son grain, le pauvre qui force la porte du bourgeois pour lui voler ses sous - cet angélisme donne à l’ensemble un ton de conte de fées plutôt que celui d’un roman.
Ce n’est pas désagréable, mais cela ôte à l’œuvre la valeur sociale dont elle se réclame, en niant les réalités de la pauvreté et du monde rural de l’époque.

En revanche, c’est un excellent témoignage sur les mœurs de l’époque, certains passages pouvant prêter à sourire (le concept d’homme de 27 ans «trop vieux pour se remarier» m’a follement amusée). Si on ne ressent pas de misère - les difficultés de Marie sont abordées de façon très allusive, les mots «faim», «froid» ne sont même pas prononcés - on perçoit en revanche la position précaire des pauvres, à la merci d’un patron brutal, du bon vouloir d’un voisin plus riche. Les derniers passages concernant les coutumes nuptiales sont également très intéressantes.

Dans l’ensemble, un bon classique (un peu trop) plein de bons sentiments (à mon goût), au style superbement soigné.