[Trapp, Nataël] Les 7 vies de Léo Belami

Présentation de couverture :
Léo, 17 ans, jeune homme solitaire et sans histoires, compte les heures avant la fin des cours. Il se prépare pour la fête du lycée, organisée cette année en hommage à Jessica Stein, une élève assassinée trente ans auparavant.
Mais lorsqu'il se réveille le lendemain matin, c'est dans la vie d'un autre, dans la maison d'un autre... en 1988.
Au gré d'allers-retours entre 1988 et 2018 dans des corps différents, Léo va tout tenter pour empêcher ce meurtre et découvrir l'identité du tueur. Pourra-t-il changer le destin ?
À la croisée de Riverdale et de Stranger Things, Les 7 Vies de Léo Belami est un thriller dont vous ne ressortirez pas indemne !

Mon avis :
Un roman jeunesse ou jeune adulte qui se lit vraiment bien, qui est solide, construit autour d'une intrigue semi-fantastique, et qui rend hommage d'une manière appuyée aux années 80. J'ai passé un bon moment à découvrir cette lecture, premier roman de l'auteur, qui fête cette année ses 40 ans.

Nataël Trapp nous emmène avec un brin de nostalgie dans les années 80, lorsque son personnage, Léo, lycéen sans histoires, se prépare mentalement à la fête de son lycée Marcel-Bialu de Valmy-sur-Lac : il reste une semaine, et tant de choses à régler ! Sa petite amie, Valentine, l'a quitté - officiellement pour "faire le point" ; officieusement pour sortir avec Jérémy Claquard, le beau gosse du lycée. Léo voit ses parents s'éloigner chaque jour un peu plus, sa mère fatiguée de travailler loin, son père au chômage, complètement déprimé et mutique. Ah oui, Léo travaille aussi, au magasin Vidéo 2000, et accessoirement loue des DVD de Noël en tenue de lutin, en plein mois de juin - la classe ! Heureusement, il y a Belinda, sa comparse, intelligente et originale, championne des hits de 5 films, où revient sans cesse Donnie Darko. Je ne l'ai pas vu, mais j'imagine que la référence est un clin d'œil, d'autant plus que le film traite aussi d'amour, d'adolescence et de voyage dans le temps.

Car oui, Léo va voyager dans le temps, plus précisément dans l'année 1988, au même moment de l'année que dans sa vie, mais avec une différence de taille : dans une semaine, la jeune et belle Jessica Stein, star du lycée, trouvera la mort de façon mystérieuse à l'issue du bal de fin d'année. On ne saura pas pourquoi, ni par quel moyen technique ou quantique Léo se trouve projeté dans le temps, et s'éveille chaque matin dans la peau d'un autre jeune, lycéen de la promotion Marcel Bialu 1988, pour tenter de comprendre ce qui s'est produit cette semaine dans l'entourage de Jessica. Parviendra-t-il à identifier la menace qui pèse sur la vie de la jeune fille ? Les choix de Léo auront-ils un quelconque effet sur l'avenir ? On se prend à espérer la disparition du hashtag #30ANSDÉJÀ...

L'auteur a eu une bonne idée, il l'exploite bien et rend compte de l'état d'adolescence, des doutes sur soi, sur l'avenir, sur les autres. Il montre que la réussite ou l'échec, notamment social(e), des uns ou des autres, n'est que la partie émergée de l'iceberg, qu'on ne sait jamais tout. Je n'ai absolument rien à reprocher à ce roman, dont les personnages sont attachants, qui intègre de la diversité de manière subtile (idylle homosexuelle secondaire de deux garçons). Les vies de ces jeunes sont suffisamment distinctes, bien typées, pour qu'on ne s'ennuie pas, avec un jeu entre le passé et le présent qui nous aide à démêler les fils, sans trop pouvoir anticiper sur la résolution. L'écriture est fluide et élégante, de belles phrases ponctuent ces chapitres, dans une atmosphère sensuelle et juvénile, très vivante.

C'est davantage l'argument de vente qui m'a gênée, ces allusions constantes à l'environnement "années 80", comme la référence à Stranger Things (je vois à peine le rapport, sinon les 80's). Le roman a sa playlist, les détails de l'époque sont avant tout musicaux et vestimentaires, avec quelques objets emblématiques. Toutefois, le référentiel est par trop étendu : à 17 ans, les jeunes n'écoutent pas TOUTES les musiques de leur époque, ils ont des goûts bien marqués, vont être fans d'un groupe ou d'une star en particulier, ou un peu plus, dont ils écoutent les morceaux en boucle. D'ailleurs, autant j'ai eu l'impression que dans le présent Léo était davantage un garçon des années 1990 ou 2000 que 2020, autant en 1988, je me croyais constamment dans un film des années 50 avec James Dean, hormis les références musicales...

Cela reste une bonne lecture, adaptée à cette catégorie "young adult", qui creuse le sujet du destin et de la liberté individuelle de choisir sa vie, d'influer sur les événements pour sortir d'un déterminisme (le prof du cours de philo de Léo est grandiose !). Du reste, le roman a été adapté en série sur Netflix, assez bizarrement d'ailleurs, puisque Léo devient Léa, et que celle-ci abuse des "bonbons roses" pour faire la fête, alors que Léo n'est pas du tout ce genre !

Citations :
La mort a une odeur. C'est une odeur végétale et minérale : un mélange de buis et de granit. Une odeur qui descend dans les poumons comme une pierre tombe au fond d'un puits. (Page 8 )

À côté de la liste, maman a dessiné un cœur avec le mot "bisou" écrit à l'intérieur. Je m'empresse de la cacher dans la poche de mon jogging, de peur d'être surpris avec. Quelqu'un devra se charger, un jour, de lui rappeler que j'ai dix-sept ans. (Page 16)

Mon travail à Vidéo 2000 ne commence que dans une heure, mais j'ai envie de marcher. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on se réveille dans son propre corps. (Page 61)

Pour elle, le film idéal serait une sorte de mélange chelou entre "Predator" et "Les Parapluies de Cherbourg". Elle est du genre originale, libre, indépendante. Elle se moque de ce que les autres peuvent penser d'elle et ne ressemble à personne que je connaisse. À notre âge, c'est un compliment en soi. (Page 63)

Je me retourne lentement. Les lumières éclairées par les boules à facettes éclairent le gymnase d'une infinité de petites notes colorées et tournent, tournent au-dessus de nous. Elles tachettent les visages et les corps, les illuminent d'une façon étrange, un peu irréelle. Toute cette scène ressemble à un rêve. Un de ces rêves moites et malaisés qui virent subitement au cauchemar. (Page 328)