[Jones, Hettie] Drive

Résumé de l'éditeur :
« La femme à la voiture verte ne / sait pas où elle va / donc elle y va à fond... »
Dès les premiers poèmes le ton est donné : Drive est un hymne à la route, à l'évasion et à la liberté des femmes. Liberté de dire. De vivre. D'aimer. De traverser la vie comme les Beatniks traversaient les États-Unis, l'imagination en point de mire. Ce courage d'être soi, Hettie Jones en fait le mot d'ordre d'un féminisme joyeux, intrépide et assumé.
Qu'elle dénonce le sort fait aux femmes en Afghanistan ou en Turquie, au nom du patriarcat et de la religion, qu'elle parle d'amitié ou d'amour, qu'elle évoque les règles des femmes, la ménopause ou l'influence de la lune, elle reste cette femme vive et indépendante que la route de la Beat Generation a conduit jusqu'à nous. À toute vitesse, cheveux au vent.

Mon avis :
Que nous cache cette jolie couverture carrée rose vif ? C'est le premier recueil de poèmes de Hettie Jones, qui reçut le prix de la Poetry Society of America en 1997. L'autrice est en elle-même un personnage : femme qui vit librement sa vie, mariée en 1958 au musicien de jazz LeRoi Jones, avec qui elle aura deux filles ; son époux, Noir Américain, deviendra en 1968 membre des Black Panthers, la quittant elle et ses filles, pour aller vivre à Harlem. Elle était amie avec tous les auteurs de la Beat Generation, aussi bien qu'elle militait et animait des ateliers d'écriture pour les femmes en prison.

Cette collection de poèmes nous trace un peu son parcours : des départs, déménagements, peut-être des moments de fuite, des trajets en voiture, des paysages ; ou encore des scènes quotidiennes, des poèmes sur ses enfants ou adressés à des amies ; mais aussi plusieurs poèmes "politiques", sur les femmes du Moyen-Orient, les Noirs aux USA, l'apartheid en Afrique du Sud. L'ensemble donne un aperçu complet de son travail, et la plupart des poèmes sont en édition bilingue. On s'amusera du poème sur les règles, "Bienvenue la ménopause ou Fini le comeback des serviettes", on sera plus ému.e par "Le syndrome du nid vide" ou "Chanson d'après".

J'ai apprécié cette lecture, mais il est parfois difficile de s'identifier ou d'être transporté.e pleinement par des poèmes lyriques, sur soi et ses sentiments, dont les références sont parfois obscures. L'écriture en vers libres est très accessible, souvent le poème est construit avec une petite chute, une sorte de morale ou symbole sensible ou malicieux. Je n'ai pas toujours été touchée par tous ces textes, parfois ils ne me parlaient pas, ou l'angle adopté ne me permettait pas de profiter du sens donné. (3,5/5)

Citations :
J’ai toujours été à la fois
suffisamment femme pour être émue aux larmes
et suffisamment homme
pour conduire ma voiture dans n’importe quelle direction (Conduite téméraire, page 17)

Le chagrin peut aussi être un oiseau
inconstant
qui cherche du regard ses propres horizons (In Memoriam, page 47)

Mon cher, le hasard a de nombreux visages
il offre de multiples occasions de faire des cadeaux. (Saladin traversant le désert, page 55)

Autrefois on enseignait
les quatre libertés fondamentales Elles sont
nées aux États-Unis, même si aujourd’hui
on n’en entend plus beaucoup parler (Justice is Just Ice, page 85)

Viens raconter des mensonges avec moi. Transperce-moi le cœur.
Lance-moi un de tes mensonges et regarde si je mords
  à l'hameçon. (Poèmes coupables - 4. Mensonge, page 109)

à nouveau seule
les enfants sont partis
et j'ai tout mon temps

pour réparer les toilettes (Le Syndrome du nid vide, page 171)

Rejoins la rive du grand âge et souviens-toi
de toutes ces fois où tu as inversé le cours des choses (Sept chansons pour mes 60 ans - 5., page 209)