[Aspe, Pieter] La femme tatouée
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[Aspe, Pieter] La femme tatouée
Titre : La femme tatouée
Auteur : Pieter Aspe
Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuèle Sandron
Éditions : Albin Michel (29/10/14)
Nombre de pages : 305
ISBN : 9782226312334
Quatrième de couverture
Sacrée découverte dans un grand restaurant de Blankenberge : le corps sans vie d’une femme est retrouvé au fond d’un vivier à homards. Sur sa fesse gauche, un mystérieux tatouage, qui apparaît également sur le cadavre du dernier homme à l’avoir vue vivante : la lettre M en caractère runique, emblème d’un groupuscule d’extrême droite. Le commando Mannaz – Versavel et Van In – se lancent dans une enquête détonante et se retrouvent au cœur d’une véritable guerre entre catholiques intégristes, cellules islamistes et néo-nazis.
Mon avis
On ne change probablement pas une recette gagnante et Pieter Aspe utilise une fois de plus, habilement, la ville de Bruges mais aussi ses personnages récurrents pour nous tenir en haleine dans une nouvelle enquête de son policier préféré. Le commissaire Pieter Van In et son adjoint Guido Versavel ainsi que la charmante épouse du premier : Hannelore Martens qui est substitut du procureur, sont à nouveau nos compagnons le temps d’une lecture.
Pour pimenter le tout, le fameux Van In boit beaucoup (de la Duvel, une bière qui doit plaire à l’auteur pour la citer aussi souvent), n’est pas indifférent aux jolies femmes (dont la jeune Caroline qui travaille au commissariat et qui n’attend qu’une chose : que Van In craque pour elle), bref un homme avec ses faiblesses ce qui poussent certains de ceux qui le côtoient à se demander ce que sa gracieuse et magnifique épouse lui trouve…les mystères de l’amour sans doute…. Et puis tout cela ne nous regarde pas… N’empêche que cela apporte une touche d’humour non négligeable au roman et que certains dialogues sont de ce fait, assez truculents.
Cette fois-ci, la personne assassinée est une femme et il se trouve qu’elle a une rune tatouée sur la fesse… Pourquoi ? Appartenait-elle à un groupuscule d’extrême droite, avait-elle des idées bien marquées, ou son mari étant plutôt du style violent et jaloux, a-t-il dérapé ?
C’est à ces questions que notre brave héros va être confronté. Expédier l’enquête en deux temps, trois mouvements, serait bien pratique pour retourner faire la sieste avec sa belle ou boire des pintes (j’exagère, c’est parfois du vin blanc) avec ses copains mais ce ne sera pas si facile.
Lorsqu’un écrivain prend les mêmes lieux et protagonistes au long de ses romans, il se doit de se rester vigilant pour ne pas lasser ses lecteurs. Soit il fige ses héros dans un espace temps qui est toujours identique, soit il les fait évoluer. Pieter Aspe a choisi la seconde solution. Le couple improbable auquel il nous confronte, change au fil des histoires, vieillit, et c’est aussi une façon de fidéliser le lectorat (plutôt féminin ?) qui se demande ce qu’ils vont devenir et surtout si leur union va résister aux diverses tentations (et il y en a dans ce dernier opus ;-)
Il peut également y avoir la progression des relations professionnelles. C’est dans ces différents domaines que l’auteur excelle parce qu’il faut bien le dire, ses enquêtes sont toujours un peu menées de la même façon : interrogatoires des témoins ou personnes mêlées de près ou de loin au crime, déductions, filatures, repères, confrontations, retours sur le passé des uns et des autres (personnes tuées ou soupçonnées) rien de vraiment nouveau sous le soleil ou la pluie belges.
Mais fort heureusement, parallèlement à tout cela, on retrouve toujours Bruges et les villes environnantes que l’on sent vivre sous nos yeux tant elles sont bien campées, et l’étude d’un milieu (ici les néo nazis) avec des individus liés à ce dernier, manipulés par la « tête pensante » dont je ne vous dirai rien….
L’écriture est fluide, le style aéré avec de nombreux dialogues, parfois amusants, quelques sujets graves sont abordés (et auraient pu être creusés mais ce n’est pas le but de l’auteur) comme l’adoption ou les décisions de la justice après un accident mortel…
On peut donc conclure que cet écrivain belge est une valeur sûre qui a, sans doute, ses fidèles.
Que vous en soyez ou pas, ce dernier roman peut être lu indépendamment des autres et vous permettra de passer un bon moment en ces jours pluvieux d’automne !
Sacrée découverte dans un grand restaurant de Blankenberge : le corps sans vie d’une femme est retrouvé au fond d’un vivier à homards. Sur sa fesse gauche, un mystérieux tatouage, qui apparaît également sur le cadavre du dernier homme à l’avoir vue vivante : la lettre M en caractère runique, emblème d’un groupuscule d’extrême droite. Le commando Mannaz – Versavel et Van In – se lancent dans une enquête détonante et se retrouvent au cœur d’une véritable guerre entre catholiques intégristes, cellules islamistes et néo-nazis.
Mon avis
On ne change probablement pas une recette gagnante et Pieter Aspe utilise une fois de plus, habilement, la ville de Bruges mais aussi ses personnages récurrents pour nous tenir en haleine dans une nouvelle enquête de son policier préféré. Le commissaire Pieter Van In et son adjoint Guido Versavel ainsi que la charmante épouse du premier : Hannelore Martens qui est substitut du procureur, sont à nouveau nos compagnons le temps d’une lecture.
Pour pimenter le tout, le fameux Van In boit beaucoup (de la Duvel, une bière qui doit plaire à l’auteur pour la citer aussi souvent), n’est pas indifférent aux jolies femmes (dont la jeune Caroline qui travaille au commissariat et qui n’attend qu’une chose : que Van In craque pour elle), bref un homme avec ses faiblesses ce qui poussent certains de ceux qui le côtoient à se demander ce que sa gracieuse et magnifique épouse lui trouve…les mystères de l’amour sans doute…. Et puis tout cela ne nous regarde pas… N’empêche que cela apporte une touche d’humour non négligeable au roman et que certains dialogues sont de ce fait, assez truculents.
Cette fois-ci, la personne assassinée est une femme et il se trouve qu’elle a une rune tatouée sur la fesse… Pourquoi ? Appartenait-elle à un groupuscule d’extrême droite, avait-elle des idées bien marquées, ou son mari étant plutôt du style violent et jaloux, a-t-il dérapé ?
C’est à ces questions que notre brave héros va être confronté. Expédier l’enquête en deux temps, trois mouvements, serait bien pratique pour retourner faire la sieste avec sa belle ou boire des pintes (j’exagère, c’est parfois du vin blanc) avec ses copains mais ce ne sera pas si facile.
Lorsqu’un écrivain prend les mêmes lieux et protagonistes au long de ses romans, il se doit de se rester vigilant pour ne pas lasser ses lecteurs. Soit il fige ses héros dans un espace temps qui est toujours identique, soit il les fait évoluer. Pieter Aspe a choisi la seconde solution. Le couple improbable auquel il nous confronte, change au fil des histoires, vieillit, et c’est aussi une façon de fidéliser le lectorat (plutôt féminin ?) qui se demande ce qu’ils vont devenir et surtout si leur union va résister aux diverses tentations (et il y en a dans ce dernier opus ;-)
Il peut également y avoir la progression des relations professionnelles. C’est dans ces différents domaines que l’auteur excelle parce qu’il faut bien le dire, ses enquêtes sont toujours un peu menées de la même façon : interrogatoires des témoins ou personnes mêlées de près ou de loin au crime, déductions, filatures, repères, confrontations, retours sur le passé des uns et des autres (personnes tuées ou soupçonnées) rien de vraiment nouveau sous le soleil ou la pluie belges.
Mais fort heureusement, parallèlement à tout cela, on retrouve toujours Bruges et les villes environnantes que l’on sent vivre sous nos yeux tant elles sont bien campées, et l’étude d’un milieu (ici les néo nazis) avec des individus liés à ce dernier, manipulés par la « tête pensante » dont je ne vous dirai rien….
L’écriture est fluide, le style aéré avec de nombreux dialogues, parfois amusants, quelques sujets graves sont abordés (et auraient pu être creusés mais ce n’est pas le but de l’auteur) comme l’adoption ou les décisions de la justice après un accident mortel…
On peut donc conclure que cet écrivain belge est une valeur sûre qui a, sans doute, ses fidèles.
Que vous en soyez ou pas, ce dernier roman peut être lu indépendamment des autres et vous permettra de passer un bon moment en ces jours pluvieux d’automne !
Dernière édition par Cassiopée le Ven 31 Oct 2014 - 18:16, édité 1 fois
Cassiopée- Admin
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Merci Cassiopée pour ta critique
louloute- Grand sage du forum
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Merci Cassiopée, je le note bien que j'ai de nombreuses lectures en attente!
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Je lis toujours avec plaisir les enquêtes du commissaire Van In et de son adjoint l'inspecteur Versavel. Ils forment une bonne équipe.
Leurs aventures sont pleines de suspens et d'humeur.
Van In qui ne cache pas son penchant pour les joies femmes, les bons repas et la fameuse bière belge Duvel dont il ingurgite pas mal de litres.
Versavel plus calme et pondéré, toujours prêt à suivre son ami. Oui, je le disais une bonne équipe.
C'est une lecture qui détend, qui divertit et nous fait connaître la ville de Bruges.
Pas un moment d'ennui.
Leurs aventures sont pleines de suspens et d'humeur.
Van In qui ne cache pas son penchant pour les joies femmes, les bons repas et la fameuse bière belge Duvel dont il ingurgite pas mal de litres.
Versavel plus calme et pondéré, toujours prêt à suivre son ami. Oui, je le disais une bonne équipe.
C'est une lecture qui détend, qui divertit et nous fait connaître la ville de Bruges.
Pas un moment d'ennui.
Paprika- Grand sage du forum
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Merci Paprika pour les précisions, puisqu'on peux les lire indépendamment quel est le meilleur titre de la série d'après toi?
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Step- Grand sage du forum
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Aucun souci, Step, tu peux tous les lire indépendamment.
J'ai beaucoup aimé " Les masques de la nuit ", " La quatrième forme de Satan " et " Le carré de la vengeance ". Ce dernier est mon préféré pour le moment !
Je te souhaite une bonne lecture.
J'ai beaucoup aimé " Les masques de la nuit ", " La quatrième forme de Satan " et " Le carré de la vengeance ". Ce dernier est mon préféré pour le moment !
Je te souhaite une bonne lecture.
Paprika- Grand sage du forum
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Merci Paprika, je les note!
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Step- Grand sage du forum
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Mon avis :
Il fait très chaud sur Bruges, et quoi de mieux que de se rendre au bord de la mer ? Allez, zou ! Van In met Hannelore, les jumeaux dans la voiture, il ajoute même Versavel (l’amitié, c’est sacré) et c’est parti meine Kiki ! Juste avant de partir, le téléphone sonne et leur annonce qu’un corps a été découvert… justement à l’endroit où ils avaient prévu de se rendre. Si les criminels ne sont pas en vacances, au moins, le hasard fait bien les choses.
Accident ? Suicide ? L’enquête commence mollement, surtout que le médecin légiste est introuvable, puis, une fois qu’il a été trouvé, force est de constater qu’il n’est pas vraiment dans un état lui permettant de mener à bien son travail. Heureusement, Van In est là et il aurait pu dire, comme dans les séries télévisées : »je vous couvre ». Il ne le dit pas, il le fait, et croise les doigts pour qu’Hannelore ne se rende compte de rien.
Ce n’est pas que l’enquête s’annonce facile (déjà qu’elle n’a pas très bien commencé), c’est juste que les choses se compliquent très très vite. Caroline, la victime, est un paradoxe à elle toute seule. Tout lui a souri dans son enfance, elle réussissait tout avec facilité, elle avait l’amour inconditionnel de ses parents, et un jour, elle a décidé de prendre une voie contraire. Que s’est-il passé ? Et si les explications de sa sœur Emma, la mal aimée qui a réussi (elle est médecin) apportent un début de piste, elles n’expliquent pas tout. L’excès de don, l’excès d’amour peut-il vraiment nuire jusqu’à entraîner cette déchéance ? Pourquoi pas ? A cet endroit de mon billet, j’hésite à m’enfoncer dans une analyse psychologique, parce que certains lecteurs vont peut-être s’arrêter net là, et dire que je me trompe ou que j’en fais trop – mais j’aime en faire trop ! La Caroline si intelligente, si sportive de sa jeunesse (c’est sa soeur qui nous le dit) est devenue une fille très facile, très manipulable, ne séduisant que des gros lourds fascinés par l’extrémisme. Pour expliquer ce revirement, on peut en passer par les ravages de la drogue, par l’envie de ne pas être la petite fille modèle chérie de son papa et/ou de voir ce qu’elle devra faire pour qu’il (son père) se rende compte qu’elle n’est pas cet être idéal et idéalisé. Bonne pioche : le père ne résiste pas aux épreuves et plutôt que de retrousser ses manches, réparer les dégâts qu’il a causés (son autre fille lui est invisible, et remonter la pente, pour Caroline, après être tombée si bas, n’aurait pas été aisé) préfère se suicider. Etre un bon père tant qu’on n’est pas confronté à des épreuves, voire à l’échec de l’éducation donné, c’est un peu facile – et les enfants de perdre un peu plus les pédales, dans ces cas-là. Il reste la mère, me direz-vous. On ne sait pas grand chose d’elle, si ce n’est cet AVC à l’annonce de sa fille Caroline et son absence totale d’impact, quoi qu’elle ait fait, sur l’éducation de ses deux filles.
Les ratages de l’éducation et de la transmission sont une thématique récurrente chez Pieter Aspe. Il suffit d’examiner l’enfance de chaque victime, de chaque suspect. Prenez Reggie, dont le meurtre sanglant relance l’enquête sur la mort de Caroline. Ce crime choque même le médecin légiste, qui en avait vu d’autres en Pologne (et qui espérait ne plus voir de tel carnage en Belgique) : pas de père, mère défaillante et besoin de reconnaissance en choisissant le pire chemin qui soit. Autre point commun avec la première victime : cette rune tatouée sur le popotin. Fascinés tous les deux (et ils ne sont pas les seuls) par une certaine mythologie, il leur fut aisé de sauter le pas, de se réclamer de toutes les imbécilités véhiculés par les extrémistes et de ne surtout pas chercher à comprendre la signification de ses symboles. Le mal n’est pas dans les runes, il suffit de rencontrer l’antithèse absolu de ces dingues en la personne de l’ami de Versavel (dûment marié, et oui, Versavel n’est pas hétérophobe comme le montre son amitié pour Van In), passionné par les runes et les décoctions d’écorce de chêne. Un chemin rude, sans reconnaissance, avec juste de la satisfaction intellectuelle (et l’admiration de sa femme). Bref, un être immédiatement sympathique, un îlot apaisant alors qu’un troisième meurtre est survenu, sans lien avec les précédents, bien sûr (ou pas ?).
Le roman date de 2004, et pourtant il est étonnamment contemporain, quand il parle de la crainte des attentats, du racisme galopant, de la montée des extrémismes de tout bord. En Belgique, les observateurs se sentaient pourtant en sécurité, contrairement à d’autres pays européens dans lesquels cette montée est bien visible. Cependant, dans cet Europe post-11 septembre, tout se met rapidement en place pour contrer cette menace et pour rassurer le bon peuple, à coup de communication maîtrisée et réjouissante. Et oui, il peut être réjouissant de voir un homme politique trop sur de lui se faire tailler en pièces littéralement par une journaliste qui ne craint pas de poser les bonnes questions et d’exiger des réponses – de faire son métier, en somme. « Maîtrisée » quand Van In dit ce qu’il a à dire avec une juste mesure. Mais on enquête toujours plus efficacement quand les moyens nécessaires sont là – et quand on laisse ses rancœurs personnelles de côté.
La femme tatouée est un excellent roman de Pieter Aspe, un des meilleurs que j’ai lu à ce jour. Ne le ratez pas s’il croise votre route.
Il fait très chaud sur Bruges, et quoi de mieux que de se rendre au bord de la mer ? Allez, zou ! Van In met Hannelore, les jumeaux dans la voiture, il ajoute même Versavel (l’amitié, c’est sacré) et c’est parti meine Kiki ! Juste avant de partir, le téléphone sonne et leur annonce qu’un corps a été découvert… justement à l’endroit où ils avaient prévu de se rendre. Si les criminels ne sont pas en vacances, au moins, le hasard fait bien les choses.
Accident ? Suicide ? L’enquête commence mollement, surtout que le médecin légiste est introuvable, puis, une fois qu’il a été trouvé, force est de constater qu’il n’est pas vraiment dans un état lui permettant de mener à bien son travail. Heureusement, Van In est là et il aurait pu dire, comme dans les séries télévisées : »je vous couvre ». Il ne le dit pas, il le fait, et croise les doigts pour qu’Hannelore ne se rende compte de rien.
Ce n’est pas que l’enquête s’annonce facile (déjà qu’elle n’a pas très bien commencé), c’est juste que les choses se compliquent très très vite. Caroline, la victime, est un paradoxe à elle toute seule. Tout lui a souri dans son enfance, elle réussissait tout avec facilité, elle avait l’amour inconditionnel de ses parents, et un jour, elle a décidé de prendre une voie contraire. Que s’est-il passé ? Et si les explications de sa sœur Emma, la mal aimée qui a réussi (elle est médecin) apportent un début de piste, elles n’expliquent pas tout. L’excès de don, l’excès d’amour peut-il vraiment nuire jusqu’à entraîner cette déchéance ? Pourquoi pas ? A cet endroit de mon billet, j’hésite à m’enfoncer dans une analyse psychologique, parce que certains lecteurs vont peut-être s’arrêter net là, et dire que je me trompe ou que j’en fais trop – mais j’aime en faire trop ! La Caroline si intelligente, si sportive de sa jeunesse (c’est sa soeur qui nous le dit) est devenue une fille très facile, très manipulable, ne séduisant que des gros lourds fascinés par l’extrémisme. Pour expliquer ce revirement, on peut en passer par les ravages de la drogue, par l’envie de ne pas être la petite fille modèle chérie de son papa et/ou de voir ce qu’elle devra faire pour qu’il (son père) se rende compte qu’elle n’est pas cet être idéal et idéalisé. Bonne pioche : le père ne résiste pas aux épreuves et plutôt que de retrousser ses manches, réparer les dégâts qu’il a causés (son autre fille lui est invisible, et remonter la pente, pour Caroline, après être tombée si bas, n’aurait pas été aisé) préfère se suicider. Etre un bon père tant qu’on n’est pas confronté à des épreuves, voire à l’échec de l’éducation donné, c’est un peu facile – et les enfants de perdre un peu plus les pédales, dans ces cas-là. Il reste la mère, me direz-vous. On ne sait pas grand chose d’elle, si ce n’est cet AVC à l’annonce de sa fille Caroline et son absence totale d’impact, quoi qu’elle ait fait, sur l’éducation de ses deux filles.
Les ratages de l’éducation et de la transmission sont une thématique récurrente chez Pieter Aspe. Il suffit d’examiner l’enfance de chaque victime, de chaque suspect. Prenez Reggie, dont le meurtre sanglant relance l’enquête sur la mort de Caroline. Ce crime choque même le médecin légiste, qui en avait vu d’autres en Pologne (et qui espérait ne plus voir de tel carnage en Belgique) : pas de père, mère défaillante et besoin de reconnaissance en choisissant le pire chemin qui soit. Autre point commun avec la première victime : cette rune tatouée sur le popotin. Fascinés tous les deux (et ils ne sont pas les seuls) par une certaine mythologie, il leur fut aisé de sauter le pas, de se réclamer de toutes les imbécilités véhiculés par les extrémistes et de ne surtout pas chercher à comprendre la signification de ses symboles. Le mal n’est pas dans les runes, il suffit de rencontrer l’antithèse absolu de ces dingues en la personne de l’ami de Versavel (dûment marié, et oui, Versavel n’est pas hétérophobe comme le montre son amitié pour Van In), passionné par les runes et les décoctions d’écorce de chêne. Un chemin rude, sans reconnaissance, avec juste de la satisfaction intellectuelle (et l’admiration de sa femme). Bref, un être immédiatement sympathique, un îlot apaisant alors qu’un troisième meurtre est survenu, sans lien avec les précédents, bien sûr (ou pas ?).
Le roman date de 2004, et pourtant il est étonnamment contemporain, quand il parle de la crainte des attentats, du racisme galopant, de la montée des extrémismes de tout bord. En Belgique, les observateurs se sentaient pourtant en sécurité, contrairement à d’autres pays européens dans lesquels cette montée est bien visible. Cependant, dans cet Europe post-11 septembre, tout se met rapidement en place pour contrer cette menace et pour rassurer le bon peuple, à coup de communication maîtrisée et réjouissante. Et oui, il peut être réjouissant de voir un homme politique trop sur de lui se faire tailler en pièces littéralement par une journaliste qui ne craint pas de poser les bonnes questions et d’exiger des réponses – de faire son métier, en somme. « Maîtrisée » quand Van In dit ce qu’il a à dire avec une juste mesure. Mais on enquête toujours plus efficacement quand les moyens nécessaires sont là – et quand on laisse ses rancœurs personnelles de côté.
La femme tatouée est un excellent roman de Pieter Aspe, un des meilleurs que j’ai lu à ce jour. Ne le ratez pas s’il croise votre route.
Sharon- Modérateur
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Emploi/loisirs : professeur
Genre littéraire préféré : romans policiers et polars
Date d'inscription : 01/11/2008
Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Une fois de plus, une excellente critique, Sharon.
Il est certain que si ce roman croise ma route, je ne le laisserai pas partir...
Il est certain que si ce roman croise ma route, je ne le laisserai pas partir...
Paprika- Grand sage du forum
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Re: [Aspe, Pieter] La femme tatouée
Merci beaucoup Paprika !
Sharon- Modérateur
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