[collectif] Nouvelles du XXIe siècle

Résumé de couverture :
"Quand Khaleda était encore au pays, les eaux du delta du Gange avaient déjà commencé à envahir de plus en plus de terres autour du village, surtout après les fortes pluies. [...] Des hommes de la ville étaient venus et ils avaient employé des mots que Khaleda n'avait jamais entendus : le réchauffement climatique."
Huit nouvelles très contemporaines qui nous rappellent, de manière grave ou ironique, les défis auxquels le XXIe siècle nous confronte : la mondialisation, la pollution, les inégalités, les discriminations...

Mon avis :
Ce recueil scolaire propose 8 nouvelles dont le point commun est d'explorer les grands thèmes, les "défis du XXIe siècle" (titre du dossier thématique en fin d'ouvrage).
Il propose au début une présentation des nouvelles avec les personnages et le sujet illustré par un dessinateur (j'aime beaucoup, ça aide bien à entrer dans les histoires, à s'en faire une représentation), et des auteurs, qui sont au nombre de 6. Je vais les présenter par auteur, car elles sont assez diverses, mais je les ai toutes appréciées.

Marc Villard - Fly Mamadou :
La nouvelle que j'ai trouvé un peu plus déroutante, mais réaliste et bien écrite, d'un langage imagé. Mamadou est un jeune Congolais arrivé illégalement en France, caché dans la soute d'un avion. Il parvient à trouver un petit travail, et peu à peu, s'impose dans le club de foot local, car il réellement doué. Mais il n'a toujours pas ses papiers, et la politique migratoire n'est pas tendre avec les jeunes gens comme lui. Mamadou pourra-t-il réaliser son rêve ?

Yann Mens - Grumes et La Digue :
Richard accompagne son père comme il le faisait naguère sur l'exploitation de bois, pour relever les coupes et vérifier que l'entreprise ne dépasse pas les quotas imposés. Richard est habitué à bien le faire, et à calculer, aussi ne comprend-il pas que son père l'arrête brutalement dans se calculs lorsqu'il se rend compte que quelque chose cloche dans les chiffres... (Grumes). Une nouvelle assez dure sur la relation père/fils adolescent, et les compromissions qui font mourir à petit feu.

Khaleda est venue du Bangladesh en Arabie saoudite travailler comme employée de maison. Elle a dû laisser ses deux fillettes chez sa soeur, au Bangladesh. Elle s'est liée d'affection avec la petite Jamila, qui a l'âge d'une de ses filles, celle-ci apprend des mots de bengali et l'accompagne lorsqu'elle va téléphoner à ses filles. Bientôt, elle aura économisé assez pour rentrer et s'acheter un petit magasin. mais ce jour-là, ses filles lui annoncent une mauvaise nouvelle... (La Digue) Une nouvelle poignante, sur le dilemme d'une mère contrainte à partir gagner sa vie pour nourrir sa famille, pas le choix, mais qui devra choisir entre les retrouver et rester plus longtemps pour assurer leur existence. Une nouvelle coup de poing, qui vous fait prendre conscience de ce que vous avez, par rapport à ceux qui n'ont rien, même pas la possibilité de vivre avec leurs enfants, et de goûter les joies toutes simples de l'amour, même dans une pauvreté acceptable.

Colin Thibert - Alter Ego et Trois Petits Cochons... :
Lionel Bernaudet est fils unique d'un couple fortuné, il a grandi choyé et en bonne santé. Un jour, son père lui apprend qu'il a un clone élevé pour lui fournir en double les organes dont il pourrait avoir besoin. Sur la demande de son fils, il accepte d'emmener celui-ci voir le laboratoire où est élevé son clone. mais après cette visite, Lionel est pris de doutes... (Alter Ego) Une nouvelle assez ironique et grinçante sur les possibilités qui seraient données à certaines tranches de la société de se cloner pour avoir une réserve d'organes, sans état d'âme pour l'être vivant qui ne sert qu'à fournir des pièces de rechange.

Les trois fils d'un charcutier qui a brillamment réussi évoluent différemment, et prennent des voies différentes après avoir hérité de leur père. L'aîné est fou de motos et dépense une grande partie de son argent à préparer des courses, le cadet est très sérieux et prévoyant, il devient comptable et achète un appartement, enfin le benjamin est considéré par ses frères comme un original rebelle, qui fréquente des écologistes douteux. Pourtant, lorsqu'un hiver particulièrement rigoureux sévit, force est aux deux aînés de constater que leur frère n'avait pas tort d'opter pour l'auto-suffisance te les énergies renouvelables... (Trois Petits Cochons...) Une nouvelle sympathique, qui montre que les choix qui peuvent aujourd'hui paraître marginaux sont peut-être les alternatives de demain, et qui valorise la compréhension et le partage.

Florence Thinard - La Fin de la Faim :
Une jeune biologiste arrive dans un village perdu du Sahel, pour faire aux villageois la démonstration gratuite d'une technique révolutionnaire pour restaurer la terre, grâce à une machine qui broie les branches, et à des champignons. La réaction des villageois est décevante, mais une vieille femme et sa petite-fille acceptent de faire la démonstration sur une moitié de leur champ. Joannie la jeune Canadienne ne ménage pas ses efforts, et l'on attend le résultat des plantations... Une belle nouvelle que j'ai beaucoup aimée, empreinte d'espoir, car la science peut réparer les erreurs qu'a commises l'homme, et aussi grâce à l'amitié entre les femmes de trois générations différentes.

Mikaël Ollivier - La Maison verte :
Un garçon et sa soeur effectuent avec le plus grand sérieux les tâches confiées par leurs parents : il s'agit de gagner le label Maison Verte, de mêm que lui et sa soeur apprennent à l'école l'écocivisme, coefficient 3 au Bac. Leur cadre de vie leur permettra-t-il de parvenir à ce résultat espéré ?
Cette nouvelle, je la connaissais très bien déjà, puisque je m'en servais en cours avec mes élèves. Elle est très forte, quoique courte, et la chute est renversante, je l'aime beaucoup.

Habiba Mahany - Racisme aveugle :
Baptiste Leblanc, jeune Comorien, se prépare pour son premier entretien d'embauche, sur un poste qui lui tient à coeur, lui qui a brillamment réussi son BTS force de vente, et qui a été apprécié lors de ses stages. L'entretien se déroule avec un patron quand même un peu étrange, peu liant, mais Baptiste à l'impression que cela s'est bien passé. Du reste, M. Berlier lui a donné l'assurance de l'engager. Oui, mais c'était sans compter sur un malentendu... visuel.
C'est une nouvelle encore percutante, bien écrite, dans un style actuel, avec des mots jeunes mais pas forcés. En peu de pages, on s'attache à Baptiste et à sa quête de réussite, mais on pressent la fin douloureuse. C'est une nouvelle qui demande à être relue, et clôt efficacement le recueil.

Extraits :
"Richard savait que cette forêt était précieuse pour les habitants de la région. C'est là qu'ils cueillaient des fruits et des plantes médicinales, ou qu'ils chassaient le gibier pour se nourrir. En revanche, aucune chance que les propriétaires de la concession leur versent le moindre sou en échange des arbres coupés." (Grumes)

"Transis, épuisés, giflés par un vent polaire, ils arrivèrent enfin en vue de la maison de Ludovic. A travers les doubles vitrages, on voyait briller de la lumière.
- Il a de l'électricité, le veinard ! remarqua Hervé. Sa ligne a tenu le coup...
- Quelle ligne ? grommela Victor en désignant le paysage couvert de givre et vierge de tout poteau." (Trois petits cochons...)

"Joannie souffla sur ses paumes. Frapper les touches de son clavier lui était douloureux. Ses mains  étaient à vif, farcies d'épines. Et ce n'était rien à côté de ses courbatures... Mais la fierté de ces premières avancées, la confiance de Maza et l'enthousiasme de Luvuma valaient largement ses peines. Il fallait maintenant être patiente..." (La Fin de la Faim)

"Chaque matin, sur une ardoise dans la cuisine, nos parents inscrivent la liste des tâches que ma soeur et moi devons effectuer en rentrant de l'école. Au collège, la prof d'écocivisme ne cesse de nous répéter que c'est avec des gestes simples et quotidiens que l'on peut préserver la planète. depuis cette année, l'écocivisme est coefficient 3 au bac. Autant que l'anglais et la physique nucléaire." (La Maison verte)

"Baptiste n'a jamais aimé cette question. Il s'agit de trouver un trait de caractère qui ne puisse être interprété comme une manie psychotique. S'il s'avoue perfectionniste, on risque de le prendre pour un maniaque. Un peu fainéant sur les bords ? On l'imaginera en train de dormir dans la remise. tendance à être trop cool ? On va le croire mou.
- Mon principal défaut, c'est que je manque de recul pour juger mes défauts !" (Racisme aveugle)