[Perrignon, Judith] Là où nous dansions
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[Perrignon, Judith] Là où nous dansions
Titre : Là où nous dansions
Auteur : Judith PERRIGNON
Parution : 2021 (Rivages)
Pages : 352
Présentation de l'éditeur :
Detroit, 2013. Ira, flic d’élite, contemple les ruines du Brewster Douglass Project où s’est déroulée son enfance. Tant d’espoirs et de talents avaient germé entre ces murs qu’on démolit. Tout n’est plus que silence sous un ciel où planent les rapaces. Il y a quelques jours, on y a découvert un corps – un de plus.
Pour trouver les coupables, on peut traverser la rue ou remonter le cours de l’Histoire. Quand a débuté le démantèlement de la ville, l’abandon de ses habitants ?
La prose puissante de Judith Perrignon croise ici les voix, les époques, les regards, l’histoire d’une ville combative, fière et musicale que le racisme et la violence économique ont brisée.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Judith Perrignon est journaliste et romancière. Elle a notamment publié Les Faibles et les Forts (Stock, 2013) et Victor Hugo vient de mourir (L’Iconoclaste, 2015).
Avis :
Nous sommes à Detroit, en 2013, dans le quartier du Brewster Douglass Project, ce complexe de logements sociaux construit à partir de 1935 sur l’impulsion de la première dame Eleanor Roosevelt, puis progressivement abandonné et détruit après que la criminalité y explosa dans les années soixante et soixante-dix. Retrouvé parmi les ruines des bâtiments restants, un jeune homme abattu par balles vient de rejoindre à la morgue la cohorte des victimes de mort violente qui attendent leur identification. Parmi les enquêteurs, Ira, né et grandi ici, se remémore l’histoire des lieux et de la ville : une longue descente aux enfers commencée soixante ans plus tôt…
Qu’elle m’a été difficile à lire, cette sombre épopée d’un quartier marqué jusqu’à l’implosion par la pauvreté, le racisme et la violence, au point de devenir « Un trou où l’humanité s’est dissoute, où l’on ne tue pas sur ordre, pour sauver ou gagner sa vie, mais pour rien, par désœuvrement », « un puits sans fond » d’où a disparu toute lumière, où la vie n’a plus aucune valeur, et où l’on se défait définitivement, comme Ira, de l’idée « qu’il n’est personne de complètement, de radicalement mauvais ». A travers Ira, l’on s’interroge : comment en est-on arrivé là ?
C’est avec une rigueur toute journalistique et en se fondant sur une solide documentation que l’auteur nous fait remonter le temps jusqu’aux années vingt, au boom de l’industrie automobile et à l’afflux massif de familles noires venues du sud américain. Le quartier est pauvre, mais il reste longtemps un centre emblématique de la culture noire à Detroit, avec sa multitude de clubs de musique qui verront éclore de grands noms, comme Les Supremes, Diana Ross, Stevie Wonder… Dans le cadre de son programme de relance consécutif à la Grande Dépression, le gouvernement de Roosevelt y finance le premier ensemble de logements sociaux pour afros-américains, dans un pays profondément marqué par la ségrégation raciale. Mais les années cinquante voient la ville amorcer son inexorable déclin, accéléré par les crises successives. Peu à peu vidée de la moitié de sa population, criblée de dettes, Detroit est déclarée en faillite en 2013. Avec des quartiers entiers en ruines, un chômage et une criminalité record, elle est alors devenue la ville la plus dangereuse des Etats-Unis.
Fouillé, précis, ce livre est un excellent documentaire historique. Il n’est toutefois pas toujours aisé à suivre, tant on se perd dans les incessants sauts de la narration entre les époques et les générations, dans un chassé-croisé de protagonistes auxquels il est bien difficile de s’attacher. L’émotion est pourtant à fleur de pages, notamment lorsque le récit se fait hommage à ce jeune graffeur français connu sous le pseudonyme Zoo Project, retrouvé mort dès le début du récit. Mais elle reste trop fugitive, dans un texte avant tout factuel qui peine à s’incarner en personnages de chair et d’os. A la fois souvent en mal de repères et rebuté par cette sorte d’aridité romanesque, le lecteur passe par des moments de lassitude et trouve le temps long.
Au final, c’est donc plus l’énorme travail de la journaliste sur ce sujet d’envergure, que le souffle de la romancière qui rend cet ouvrage remarquable. Une découverte intéressante, faute d’être tout à fait distrayante. (3/5)
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