[Aragon, Louis] Feu de joie

Résumé de couverture (source Goodreads) :
Feu de joie est le premier recueil de poèmes de Louis Aragon, écrit pour l'essentiel en 1919 et publié en 1920. Il est composé de 23 poèmes et s'inscrit dans un mouvement proche du dadaïsme (...).

Aragon est alors sous l'influence de Lautréamont et d'Arthur Rimbaud. Le recueil est proche de Mont de piété publié quasiment en même temps par André Breton, et cherche à repoétiser le quotidien en faisant éclater les cadres de la poésie traditionnelle. (...)

René Hilsum crée en 1919 les éditions Au sans pareil, pour publier les textes d'Aragon, de Breton, de Soupault et de lui-même. Le groupe d'amis fonde également la revue Littérature, également éditée par Hilsum. (...)

Aragon, Breton et Soupault sont également proches du milieu pictural ; le recueil d'Aragon est ainsi accompagné d'un frontispice de Pablo Picasso.

Les poèmes du recueil sont ceux d'une jeunesse en révolte. Ils expriment en revanche un enthousiasme pour la modernité, notamment le cinéma américain, le Paris des cafés et des métros. (...)

Mon avis :
J'ai apprécié certains de ces 23 poèmes repris dans le recueil - plusieurs en ont été écartés -, mais ce n'est pas le style que j'aime le plus chez Aragon, ce style surréaliste.

Il est vrai que les poèmes, avec leurs insertions de slogans publicitaires, comme si nous lisions en même temps que le poète des affiches placardées, tout en vivant sa vie et vaquant à ses activités, donnent une impression de modernité presque graphique, qui n'est pas sans rappeler la technique ultérieure des collages adoptée plus tard par les Surréalistes, ou des poèmes d'Apollinaire, comme Zone. L'ambition de renouveler la poésie, notamment d'exploiter le vers libre, est bien présente. Le hic, c'est que, de même que la peinture cubiste, ce type de poésie surréaliste m'intéresse mais ne me touche pas, je préfère quand elle confine à l'universel, rappelle le cœur de ce qui est en tout homme.

J'ai retrouvé cependant, au détour d'un vers, la "patte" d'Aragon, ce regard singulier qui pose déjà la note lyrique, un très léger dévoilement sous des apparences fantaisistes, de ses émotions et sentiments. À travers des scènes de ville, de rue, de chambre d'étudiant, voire de films américains, le poète s'arrête parfois pour regarder son reflet un peu lointain, comme fragmenté, éparpillé, en recherchant une unité de ton, une envie de dire des choses plus profondes. Et puis, 23 poèmes, c'est assez court pour se faire une idée du grand poète que sera Aragon, alors qu'il débute tout juste en poésie, après sa démobilisation. 3/5

Citations :
Jadis, j’admirais sans baisser les paupières, mais le soleil n’est plus un hortensia. (Pur Jeudi)

Les oiseaux sont des nombres
L’algèbre est dans les arbres (Acrobate)

On peut s’amuser en voyage
Si l’on ne salit pas ses escarpins vernis (Madame Tussaud)

Je donne un nom meilleur aux merveilles du jour
J’invente à nouveau le vent tape-joues
Le monde à bas je le bâtis plus beau (Secousse)

Vie ô paisible automobile
et le joyeux péril de courir au-devant
Je brûlerai du feu des phares (Parti-pris)

Dans ta chevelure
Reflet du passé
Tu gardes l’allure
Du papier glacé (La Belle Italienne)

Le chemin qui mène à la mer
Me conduit au fond de moi-même
À deux doigts de ma perte (Sans mot dire)

Je parcours les rues sans penser à mal
Avec l’image du poète et l’ombre du trappeur (Pierre fendre)

Mon portrait me fixe et dit Songe
sans en mourir au gagne-pain
au travail tout le long du jour
L’habitude
Le pli pris
L’habit gris
Servitude
Une fois par hasard
regarde le soleil en face
Fais crouler les murs les devoirs (Lever)

Sortira-t-on
Casser cet univers sur le genou ployé
Bois sec dont on ferait des flammes singulières (Lever)

pour chanter
à bride abattue à gorge déployée
comme un drapeau
la beauté la seule vertu
qui tende encore ses mains pures (Lever)

C'est le style surréaliste dans ce recueil dis-tu, ça se rapproche d'Eluard?

@Cassiopée, ils ont été ensemble à cette époque (1919) dans le mouvement Dada, avec Breton et Soupault, mais ils se sont éloignés par la suite, dans les années 30, quand les Surréalistes (sauf Aragon) ont été exclus du Parti Communiste auquel ils avaient adhéré en 1927.

Je me souviens bien de ce que j'ai lu sur cette période et le mouvement dada où ils ont passé du temps ensemble. C'est à ce moment-là qu'ont été écrits ces poèmes, d'après la présentation ou juste après. Merci Elea.