[Racine, Jean] Bérénice
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Bérénice ?
[Racine, Jean] Bérénice
![[Racine, Jean] Bérénice 97822513](https://i.servimg.com/u/f45/17/45/42/88/97822513.jpg)
Bérénice
Auteur : Jean Racine
Éditeur : Le Livre de Poche
Nombre de pages : 160 pages
Prix : 3.10E
4è de couverture :
Quoiqu'il aime Bérénice, Titus renonce à l'épouser parce que Rome interdit cette union de l'empereur et d'une reine étrangère. Mais lorsqu'il la confie à Antiochus, roi de Comagène, également amoureux d'elle, Bérénice refuse violemment de partir avec lui et, éperdue, implore Titus qui l'aime plus que jamais. Le sujet de la pièce, créée à l'Hôtel de Bourgogne en 1670, n'est ainsi que la souffrance d'une séparation amoureuse puisque l'action consiste pour Titus à se faire comprendre, et pour Bérénice à refuser de comprendre. Comme nous le dit la préface de Racine, « la tristesse majestueuse » fait ainsi « tout le plaisir de la tragédie ». Et le tragique de Bérénice, en effet, c'est que son dénouement condamne les trois héros un moment tentés par la mort à une solitude plus douloureuse que la mort même : tragique tout élégiaque d'une passion pure et d'une mélancolie dominée.
Mes impressions :
Cette pièce de théâtre est ma tragédie préférée avec Roméo & Juliette, je vais essayer de vous dire pourquoi et de vous transmettre l'envie de lire cette œuvre magnifique. Premièrement, le théâtre classique est en vers, cela peut en déranger certains et moi-même j'avoue ne pas aimer ça lorsqu'il s'agit d'une comédie mais là, la puissance des vers donne encore plus d'ampleur au tragique de la pièce. Une histoire basée sur l'amour et le pouvoir, sur l'honneur, le rejet ; des thèmes certes courants mais universels. Le drame qui se noue ici prend presque une dimension extraordinaire tant les personnages se livrent aux lecteurs, tant ils s'aiment, cet amour d'ailleurs paraît presque ineffable dans le sens ou si les trois héros tragiques sont victimes à la fin c'est peut-être parce que l'amour ne peut se concilier avec le pouvoir, car l'amour est au-dessus de ça.
Le cœur des personnages est déchiré de toute part et paradoxalement, cela est beau.
Cette pièce se lit très vite, les vers m'ont beaucoup marqués et il est certain qu'il n'y en a que je n'oublierai jamais tant ils sont beaux.
Extrait : Pour moi cette scène est la plus belle de la pièce est surement l'une des plus belles de la tragédie.
IV, 5 :
- Spoiler:
BÉRÉNICE, TITUS.
BÉRÉNICE, en sortant.
Non, laissez-moi vous dis-je.
En vain tous vos conseils me retiennent ici !
Il faut que je le voie. Ah ! Seigneur ! vous voici.
Hé bien, il est donc vrai que Titus m'abandonne ?
II faut nous séparer ; et c'est lui qui l'ordonne.
TITUS
N'accablez point, Madame, un prince malheureux,
Il ne faut point ici nous attendrir tous deux.
Un trouble assez cruel m'agite et me dévore,
Sans que des pleurs si chers me déchirent encore.
Rappelez bien plutôt ce cœur qui tant de fois
M'a fait de mon devoir reconnaître la voix.
II en est temps. Forcez votre amour à se taire ;
Et d'un œil que la gloire et la raison éclaire
Contemplez mon devoir dans toute sa rigueur.
Vous-même contre vous fortifiez mon cœur ;
Aidez-moi, s'il se peut, à vaincre sa faiblesse,
À retenir des pleurs qui m'échappent sans cesse ;
Ou, si nous ne pouvons commander à nos pleurs,
Que la gloire du moins soutienne nos douleurs ;
Et que tout l'univers reconnaisse sans peine
Les pleurs d'un empereur et les pleurs d'une reine.
Car enfin, ma princesse, il faut nous séparer.
BÉRÉNICE
Ah ! cruel ! est-il temps de me le déclarer ?
Qu'avez-vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée.
Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée
Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois,
Quand je vous l'avouai pour la première fois ?
À quel excès d'amour m'avez-vous amenée !
Que ne me disiez-vous : « Princesse infortunée,
Où vas-tu t'engager, et quel est ton espoir ?
Ne donne point un cœur qu'on ne peut recevoir. »
Ne l'avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre,
Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ?
Tout l'Empire a vingt fois conspiré contre nous.
II était temps encor : que ne me quittiez-vous ?
Mille raisons alors consolaient ma misère :
Je pouvais de ma mort accuser votre père,
Le peuple, le sénat, tout l'Empire romain,
Tout l'univers, plutôt qu'une si chère main.
Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée,
M’avait à mon malheur dès longtemps préparée.
Je n'aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel
Dans le temps que j'espère un bonheur immortel,
Quand votre heureux amour peut tout ce qu'il désire,
Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
Lorsque tout l'univers fléchit à vos genoux,
Enfin quand je n'ai plus à redouter que vous.
TITUS
Et c'est moi seul aussi qui pouvais me détruire.
Je pouvais vivre alors et me laisser séduire.
Mon cœur se gardait bien d'aller dans l'avenir
Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir.
Je voulais qu'à mes yeux rien ne fût invincible,
Je n'examinais rien, j'espérais l'impossible.
Que sais-je ? J'espérais de mourir à vos yeux
Avant que d'en venir à ces cruels adieux.
Les obstacles semblaient renouveler ma flamme.
Tout l'Empire parlait. Mais la gloire, Madame,
Ne s'était point encor fait entendre à mon cœur
Du ton dont elle parle au cœur d'un empereur.
Je sais tous les tourments où ce dessein me livre ;
Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,
Que mon cœur de moi-même est prêt à s'éloigner ;
Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner.
BÉRÉNICE
Hé bien ! régnez, cruel ; contentez votre gloire :
Je ne dispute plus. J'attendais, pour vous croire,
Que cette même bouche, après mille serments
D'un amour qui devait unir tous nos moments,
Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle,
M'ordonnât elle-même une absence éternelle.
Moi-même j'ai voulu vous entendre en ce lieu.
Je n'écoute plus rien, et pour jamais, adieu.
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?
Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus!
L'ingrat, de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?
Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.
TITUS
Je n'aurai pas, Madame, à compter tant de jours.
J'espère que bientôt la triste renommée
Vous fera confesser que vous étiez aimée.
Vous verrez que Titus n'a pu sans expirer...
BÉRÉNICE
Ah ! Seigneur, s'il est vrai, pourquoi nous séparer ?
Je ne vous parle point d'un heureux hyménée :
Rome à ne vous plus voir m'a-t-elle condamnée ?
Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez ?
TITUS
Hélas ! vous pouvez tout, Madame. Demeurez :
Je n'y résiste point. Mais je sens ma faiblesse.
II faudra vous combattre et vous craindre sans cesse,
Et sans cesse veiller à retenir mes pas,
Que vers vous à toute heure entraînent vos appas.
Que dis-je ? En ce moment mon cœur, hors de lui-même,
S'oublie, et se souvient seulement qu'il vous aime.
BÉRÉNICE
Hé bien, Seigneur, hé bien, qu'en peut-il arriver ?
Voyez-vous les Romains prêts à se soulever ?
TITUS
Et qui sait de quel œil ils prendront cette injure ?
S'ils parlent, si les cris succèdent au murmure,
Faudra-t-il par le sang justifier mon choix ?
S'ils se taisent, Madame, et me vendent leurs lois,
A quoi m'exposez-vous ? Par quelle complaisance
Faudra-t-il quelque jour payer leur patience ?
Que n'oseront-ils point alors me demander ?
Maintiendrai-je des lois que je ne puis garder ?
BÉRÉNICE
Vous ne comptez pour rien les pleurs de Bérénice.
TITUS
Je les compte pour rien ? Ah ! ciel ! quelle injustice !
BÉRÉNICE
Quoi ? pour d'injustes lois que vous pouvez changer,
En d'éternels chagrins vous-même vous plonger ?
Rome a ses droits, Seigneur : n'avez-vous pas les vôtres ?
Ses intérêts sont-ils plus sacrés que les nôtres ?
Dites, parlez.
TITUS
Hélas ! Que vous me déchirez !
BÉRÉNICE
Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez !
TITUS
Oui, Madame, il est vrai, je pleure, je soupire,
Je frémis. Mais enfin, quand j'acceptai l'empire,
Rome me fit jurer de maintenir ses droits :
Il les faut maintenir. Déjà plus d'une fois
Rome a de mes pareils exercé la constance.
Ah ! si vous remontiez jusques à sa naissance,
Vous les verriez toujours à ses ordres soumis.
L'un, jaloux de sa foi, va chez les ennemis
Chercher avec la mort la peine toute prête;
D'un fils victorieux l'autre proscrit la tête;
L'autre, avec des yeux secs et presque indifférents,
Voit mourir ses deux fils, par son ordre expirants.
Malheureux ! Mais toujours la patrie et la gloire
Ont parmi les Romains remporté la victoire.
Je sais qu'en vous quittant le malheureux Titus
Passe l'austérité de toutes leurs vertus ;
Qu'elle n'approche point de cet effort insigne ;
Mais, Madame, après tout, me croyez-vous indigne
De laisser un exemple à la postérité
Qui sans de grands efforts ne puisse être imité ?
BÉRÉNICE
Non, je crois tout facile à votre barbarie.
Je vous crois digne, ingrat, de m'arracher la vie.
De tous vos sentiments mon cœur est éclairci.
Je ne vous parle plus de me laisser ici.
Qui ? moi ? j'aurais voulu, honteuse et méprisée,
D'un peuple qui me hait soutenir la risée ?
J'ai voulu vous pousser jusques à ce refus.
C'en est fait, et bientôt vous ne me craindrez plus.
N'attentez pas ici que j'éclate en injures,
Que j'atteste le ciel, ennemi des parjures.
Non, si le ciel encore est touché de mes pleurs,
Je le prie en mourant d'oublier mes douleurs.
Si je forme des vœux contre votre injustice,
Si devant que mourir la triste Bérénice
Vous veut de son trépas laisser quelque vengeur,
Je ne le cherche, ingrat, qu'au fond de votre cœur.
Je sais que tant d'amour n'en peut-être effacée;
Que ma douleur présente et ma bonté passée,
Mon sang, qu'en ce palais je veux même verser,
Sont autant d'ennemis que je vais vous laisser :
Et, sans me repentir de ma persévérance,
Je me remets sur eux de toute ma vengeance.
Adieu.
Invité- Invité
Re: [Racine, Jean] Bérénice
En tout cas tu m'as convaincue moi
Hop c'est dans ma PAL (pour ça le Kindle c'est pratique
), je n'ai pas lu l'extrait pour garder la surprise

Hop c'est dans ma PAL (pour ça le Kindle c'est pratique



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