[Pliskin, Fabrice] Une histoire trop française
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[Pliskin, Fabrice] Une histoire trop française
Titre : Une histoire trop française
Auteur : Fabrice Pliskin.
Edition : Fayard
Nombre de pages : 420 pages.
Présentation de l’éditeur :
Fondée par un homme de gauche, la société Jodelle Implants vend des prothèses mammaires aux femmes du monde entier. Véritable « laboratoire d’innovation sociale », elle se distingue par la diversité de ses employés, ses hauts salaires ou sa crèche d’entreprise. Ici, chaque matin, le PDG envoie aux cent vingt salariés un poème de La Fontaine ou de Rimbaud.
Lorsque Louis Glomotz, critique littéraire au chômage, y trouve un emploi, il est loin de se douter que cette façade humaniste cache une réalité toxique, et qu’il va se retrouver au cœur d’un scandale sanitaire mondial.
Mon avis :
Premier constat, abrupt : ce livre est un récit qui ne vous lâche pas.
Le titre, déjà, fait cogiter la professeur de français que je suis, puisqu’en théorie, un adjectif exprimant une relation ne peut être mis au superlatif. Comme quoi, la créativité n’a rien à faire avec la norme grammaticale. S’ensuit alors une question : en quoi une histoire peut-elle être trop française ?
Nous savons dès le départ (ou presque) qu’un scandale va éclater, nous ne savons pas comment. Nous espérons cependant l’apprendre – quelques anticipations parsèment le récit, posant ainsi les jalons de la révélation.
Français, le patron idéal de la société Jodelle est aussi un patron paternaliste – et les exemples de paternalisme ne manquent pas dans l’histoire du patronat français. Celui-ci prend soin de ses employés, leur assurant plus que le nécessaire, leur offrant un sentiment de sécurité qui sape tout envie de quitter ce confort, le tout mâtiné de mesures spécifiques et bienveillantes. Ah, la diversité en entreprise, ah, l’accès à la culture – ne leur envoie-t-il pas un poème tous les jours ? Lecture obligatoire et orientée – ou comment saper un peu plus le libre arbitre de chacun.
Sécurité de l’emploi, cocon douillet de l’entreprise modèle (le nom de l’entreprise à une consonne près) et la complicité. Tous savent, tous se paient de mots et tremblent d’être découverts lors des contrôles réguliers -montrant ainsi au passage les défaillances d’un système. Oui, des mots, de très longs discours très bien construits, l’expression sincère des tourments de chacun, des morceaux de bravoure quasi-émouvants et qui tournent en vase clos. Le discours, si bien huilé soit-il, ne doit pas être entendu en dehors du cercle professionnel.
Cette propension à s’étourdir de mot n’est le propre des employés Jodelle, non. D’autres partagent ce travers, à commencer par Louis, second personnage principal de ce roman. Il se laisse porter par les événements, un velléitaire qui ne s’engage pas. Père de plusieurs enfants, en couple depuis sept ans (la durée fatidique pour un couple, si l’on en croit les spécialistes), il hésite à devenir père avec sa compagne, dont le passé s’inscrit dans les grandes tragédies du XXe siècle (j’utilise cette formule parce qu’elle s’inscrit parfaitement dans la rhétorique des personnages) et noie ses atermoiements sous un verbiage argumentatif. Les paroles creuses d’un côté, les actes de l’autre – sa compagne est plutôt du côté des actes.
Louis, chômeur pour raison économique et égocentrique, apparaît comme le témoin quasiment passif de ce qui se trame dans l’entreprise. Etre l’oreille que tous ou presque attendait, pour des mots, toujours des mots qui ne mènent nulle part alors qu’un seul, qui ouvre la dernière partie du livre, suffisait : féminicide.
Sharon- Modérateur
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