[Sönmez, Burhan] La pierre et l'ombre
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[Sönmez, Burhan] La pierre et l'ombre
Titre : La pierre et l'ombre (Taş ve gölge)
Auteur : Burhan SÖNMEZ
Traduction : Julien LAPEYRE DE CABANES
Parution : 2021 en turc, 2023 en français (Gallimard)
Pages : 432
Présentation de l'éditeur :
Maître marbrier, aujourd’hui gardien de cimetière, Avdo a vécu mille vies avant de s’installer à Istanbul. Il espérait y trouver la paix, mais était loin d’imaginer que son passé viendrait lui rendre visite. Par une nuit enneigée, il aperçoit la maigre silhouette d’une jeune femme qui émerge d’entre les stèles. La police est à ses trousses, elle a désespérément besoin d’un endroit où se cacher. Mais qui est vraiment cette mystérieuse Reyhan ? Ses pas l’ont-ils menée jusqu’à Avdo par hasard ?
Burhan Sönmez croise habilement les destins au sein d’une mosaïque narrative riche de multiples histoires. Avec La pierre et l’ombre, il brosse un portrait sans concession de la Turquie du siècle dernier, et continue d’explorer sous un angle résolument romanesque les grands thèmes de la mémoire et de l’identité.
Le mot de l'éditeur sur l'auteur :
Burhan Sönmez, auteur kurde écrivant en turc, est né en 1965 dans un petit village d’Anatolie. Récompensées par de prestigieux prix, ses œuvres sont traduites dans plus de quarante langues. Avocat spécialisé dans les droits de l’homme, il a longtemps exercé à Istanbul. Après un exil de plus de dix ans en Angleterre, il vit aujourd’hui entre la Turquie et Cambridge. En 2021, il a été élu président de l’association d’écrivains PEN International.
Avis :
Arrêté et torturé pour ses activités d’avocat spécialisé en Droits de l’homme à Istanbul, le Kurde turc Burhan Sönmez a connu dix ans d’exil en Grande-Bretagne avant de pouvoir revenir en Turquie. Désormais professeur de littérature à l’université d’Ankara, auteur d’articles pour des journaux indépendants et de romans primés et traduits dans de nombreux pays, il a été élu en 2021 président de l’association d’écrivains PEN International, qui défend « les valeurs de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible ». Son dernier roman La pierre et l’ombre raconte l’histoire sociale de la Turquie moderne au travers d’Avdo, un sculpteur de pierres tombales amené à croiser des personnes représentatives de toutes les facettes culturelles du pays.
L’histoire commence dans les années 1980, peu après le coup d’État militaire. Avdo, la cinquantaine solitaire, vit en marge du monde, sur les bords du cimetière d’Istanbul dont il est assure le gardiennage entre ses confections de pierres tombales. Mais voilà que le passé vient déranger le présent sous la forme d’une pauvre silhouette titubante, pourchassée par la police jusqu’au coeur du cimetière. C’est une toute jeune fille, elle s’appelle Reyhan et n’est pas arrivée jusqu’à la porte d’Avdo par hasard. Qui est-elle ? Pourquoi veut-on l’emprisonner ? Quel lien a-t-elle avec le paisible veilleur du cimetière ? Et puis, aussi, comment en vient-on, comme Avdo, à préférer vivre parmi les morts plutôt que les vivants ?
Oscillant constamment entre passé et futur, le récit nous ramène dans les années 1930, quand un Assyrien prend l’orphelin Avdo sous son aile et l’initie à la sculpture des pierres tombales. Quelque vingt années plus tard, le jeune homme devenu maître marbrier itinérant rencontre l’unique amour de sa vie, Elif, dans un village d’Anatolie qui n’a pas pour habitude de marier ses filles à des étrangers. Le drame est inévitable, qui brisera les rêves d’Avdo mais ne cessera jusqu’à la fin de ses jours de retentir sur son destin. Un destin qu’il nous sera donné de reconstituer peu à peu, à mesure que les fragments du récit, s’échelonnant dans le désordre de l’époque ottomane jusqu’à nos jours en visitant différents lieux du Moyen-Orient, en laisseront progressivement percevoir le motif global, dessiné sur la toile de fond d’une mosaïque culturelle aussi riche que déchirée. Chrétiens, sunnites, alaouites, Turcs, Kurdes et Arméniens : n’y a-t-il donc que la sagesse d’un gardien de cimetière pour constater que « tous les morts sont bons pour l’éternité » ?
Suspendu à ses rebondissements dramatiques autant qu’attaché à la belle humanité de ses personnages, séduit par sa plume soigneusement travaillée, l’on reste impressionné par ce récit dense, doucement mélancolique, dont les cassures temporelles savent si bien refléter le bris des rêves de son principal protagoniste et, à travers lui, les traumas silencieusement accumulés depuis un siècle par les diverses populations de la Turquie. Une lecture à plusieurs niveaux qui inscrit définitivement l’auteur parmi les écrivains majeurs de langue turque. (4/5)
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